Le gouvernement anglais, dont la sanction était nécessaire, résista d’abord à cette loi, mais il finit par céder. Et, le 24 juillet 1886, dans une note au gouvernement français, lord Rosebery posait en termes très nets la nouvelle doctrine anglaise : pas plus en fait que d’après les traités, déclarait-il, les Français n’ont un droit exclusif de pêche sur la côte de Terre-Neuve. On était ainsi fort loin de la théorie émise en 1838 par lord Palmerston. En même temps, et pour aggraver encore la situation, était soulevée la question des homards et des homarderies. Cependant, en 1890 et en 1891, le cabinet de Londres sembla vouloir se ressaisir. Lord Salisbury, dans deux dépêches du 24 septembre 1890 et du 20 janvier 1891, invita le gouvernement français à soumettre à un arbitrage tous les points en litige : la question de Terre-Neuve serait, dans son ensemble, déférée à la sentence d’un arbitre ; et, quelques mois plus tard, à la Chambre des Lords, il s’éleva, en termes fort vifs, contre l’attitude des Terre-Neuviens : « Nous avons, dit-il, de grandes obligations internationales envers une puissance qui a, elle aussi, ses susceptibilités, et il est de notre honneur de remplir ces obligations d’une manière scrupuleuse ; ces obligations internationales sont supérieures à tous les droits des habitans de Terre-Neuve ; nous ne leur avons pas imposé le traité, ils sont allés dans un pays où le traité existait déjà et faisait loi. » C’était avouer qu’on n’était plus aussi certain de la valeur de ses droits. Le cabinet de Paris accepta l’arbitrage proposé, à la condition qu’il serait limité aux difficultés concernant la pêche du homard et sa préparation : un arbitrage sur l’ensemble de la question eût impliqué que les droits de la France étaient douteux. Et c’est sur la base d’une semblable limitation qu’un arrangement arbitral fut conclu à Londres, le 11 mars 1891. Des modus vivendi pour chaque saison dépêche furent de même adoptés successivement en 1890, en 1891 et en 1892, sur la question des homarderies : « aucune homarderie ne fonctionnant pas antérieurement au 1er juillet 1889 n’était admise, à moins que les commandans des stations navales anglaise et française n’en tombassent simultanément d’accord. » Mais les choses devaient en rester là. Comme si elle était persuadée que les résultats de l’arbitrage ne seraient point conformes à ses désirs, la Grande-Bretagne, d’accord avec sa colonie, refusa de prendre les mesures qui devaient assurer, d’une manière effective, l’exécution de la décision arbitrale : l’Angleterre, par un bill de 1891,
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