écrivant, telles quelles, le solitaire d’Avignon vidait son cœur. Mais son âme était trop fière et son esprit trop perspicace pour admettre, après réflexion, qu’il soit utile de se justifier : car chaque homme a pour juge sa conscience. Il le dit, lui-même, écrivant à un ami, Bouthillier La Cochère : « Il n’y a personne qui regarde maintenant plus indifféremment les choses du monde, ni qui en ait moins de crainte, sachant bien, pour l’avoir appris par expérience, que les orages passent, que la vérité se connoît et que mon innocence ne peut rien avoir de commun avec le crime des autres, — au cas qu’il y en ait. » Si c’est un grand soulagement pour une âme ardente et passionnée d’écrire le Caput apologeticum, c’est d’une grande sagesse et d’une philosophie supérieure de le laisser dans le tiroir où s’entassent et se fanent les papiers fragiles, confidens des pensées secrètes et des souffrances intimes, jusqu’au jour où quelque rencontre séculaire les mettra sous les yeux d’un curieux, qui cherchait un héros et qui s’étonne de trouver un homme.
Le goût que l’évêque avait montré pour l’étude s’affirme à Avignon. Il demande toujours des livres. Il veut réfuter les divers ministres qui ont répondu à son ouvrage. Il met la dernière main à un autre livre, esquissé au temps de sa jeunesse, lors de son premier séjour à Luçon, l’Instruction du Chrétien. Loin de son diocèse, il fait œuvre épiscopale. Il surveille l’installation à Luçon d’un hospice des Capucins. Il est en correspondance avec son grand vicaire, Flavigny. Il est en relation d’études et peut-être de prières avec un saint homme, le frère Jean Marie, carme déchaussé, originaire de Fribourg, qui est de séjour à Avignon et qui lui prédit un prompt retour de la fortune et la plus brillante destinée. Il fréquente le vice-légat du pape, Bagni, et se lie d’amitié avec lui ; il est si souvent au couvent des Minimes qu’on va même jusqu’à désigner la chambre qu’il aurait occupée. Il n’a que peu de relations dans le monde. Sa vie est édifiante et exemplaire.
Il est plongé dans des méditations profondes. Sa mission spirituelle ne l’absorbe pas tout entier ; dans ce long recueillement, il y a place pour des réflexions d’un autre ordre. L’homme politique ne se manifeste plus au dehors, mais il n’a nullement renoncé. Il est replié sur lui-même et il pense.
À considérer l’ensemble de la carrière de l’homme d’État, on s’aperçoit, qu’à une heure donnée, il a vu s’accomplir, dans ses idées et dans ses intentions, une révolution profonde. Au début,