L’inventaire du mobilier, laissé à la disposition de l’évêque de Luçon, fut dressé le 15 mai. Il a été conservé. Richelieu s’installa assez confortablement. Il était accompagné de son frère le marquis, de son beau-frère Pontcourlay, du fidèle Le Masle et de quelques serviteurs et domestiques : « Encore nous fut-ce, dit-il, une grande consolation, de ne nous voir pas séparés, bien que nos ennemis ne le fissent pas à cette fin, mais pour pouvoir prendre garde à nous tous d’une même vue. »
Avignon, comme le Comtat Venaissin, appartenait alors au Pape. C’était une ville italienne en France. Le gouvernement était calqué sur celui de Rome. Un vice-légat y gouvernait au nom du Saint-Siège. On parlait partout italien. Les monumens publics, les places, les hôtels étaient dans le goût d’outre-monts. Un voyageur dit que vivre à Avignon, c’était vivre, par exemple, à Bologne. La ville était animée, le commerce actif, la population accueillante, composée de familles italiennes très riches, et de quelques familles de petite noblesse française, auxquelles la maison de Luynes était apparentée. Le fonds du peuple grouillait dans des rues étroites, très encombrées d’une foule de vendeurs et d’intermédiaires, juifs pour la plupart, et vêtus de rouge. La grande distraction de la ville était la promenade, le soir, sur le quai, pour prendre le frais, le long du Rhône.
Les Richelieu, tombés dans ce milieu étranger, indifférent ou hostile, se trouvèrent, pendant quelque temps, dans une grande détresse morale. Tout les abandonnait. C’est à peine s’ils pouvaient chercher, autour d’eux, quelqu’une de ces relations banales que l’ennui de la vie provinciale noue et dénoue si facilement. Ils se savaient entourés d’espions et étroitement surveillés ; tout ce qu’ils faisaient ou disaient était répété à la cour : le monde ecclésiastique, dans lequel ils fréquentaient presque uniquement, est miné de conduits souterrains par où se propagent rapidement les moindres bruits.
L’évêque, plus nerveux et plus sensible, souffrait davantage. Il était en proie à des agitations terribles, remuant sans cesse le souvenir d’un passé qui l’obsédait, plaidant devant lui-même sa cause et se donnant à demi-voix des justifications et des raisons qui n’avaient, hélas ! personne à convaincre. À la fin, n’y tenant plus, il jeta fébrilement sur le papier les réflexions qui s’agitaient en lui.
Le document original est sous mes yeux : je connais peu de