à la réception hebdomadaire de l’Impératrice, il l’aborda avec une grâce extrême et s’entretint longuement et familièrement avec lui. Le corps diplomatique, ainsi que l’attestent les correspondances de lord Cowley soumises au Parlement, fut pleinement rassuré ; mais les gens du monde, plus défians et cette fois plus perspicaces que les diplomates, n’en persistèrent pas moins à croire qu’il y avait anguille sous roche. Les rumeurs ne cessant pas, le gouvernement impérial dut recourir au Moniteur pour rassurer les esprits. L’organe officiel déclara, le 7 janvier, solennellement, que rien dans les relations diplomatiques de la France avec les puissances étrangères n’autorisait les alarmes que de faux bruits tendaient à faire naitre.
Mais les craintes, à peine atténuées, furent subitement ravivées par le discours du Trône prononcé à Turin. L’apostrophe de l’Empereur, loin d’inquiéter Victor-Emmanuel et son conseiller, les avaient mis en fête. Leur seule préoccupation était qu’il ne reculât, et il semblait tout à coup vouloir les devancer. Ils ne s’attendaient pas à une affirmation aussi nette et aussi prompte de ses desseins. « Il paraît, disait joyeusement M. de Cavour, que l’Empereur veut décidément aller de l’avant. » La sortie rappelait en effet l’admonestation que le Premier Consul avait adressée le 13 mars 1803, à lord Whitworth à la veille de la rupture de la paix d’Amiens. Aussi Victor-Emmanuel, pour ne pas demeurer en reste d’avertissemens avec son allié, s’abandonna-t-il, le 7 janvier, dans son discours d’ouverture des Chambres, à de sombres prophéties. Après avoir fait sonner bien haut le mot de nationalité, il annonça que l’horizon au milieu duquel se levait la nouvelle année était peu serein. « Forts de l’expérience du passé, disait-il, nous marcherons résolument au-devant des éventualités futures. Notre pays, petit par son territoire, a grandi en crédit dans les conseils de l’Europe, parce qu’il est grand par les idées qu’il représente, par les sympathies qu’il inspire. Une telle situation n’est pas exempte de dangers, car, si nous respectons les traités, d’autre part nous ne sommes pas insensibles au cri de douleur qui de tant de parties de l’Italie s’élève vers nous. »
Ce discours n’était pas fait pour plaire au gouvernement impérial, qui s’évertuait au même moment à calmer le sentiment public à bon droit alarmé. La tactique de M. de Cavour, je l’ai dit, était de pousser l’Empereur, pour l’empêcher de revenir sur ses pas et lui faire endosser les responsabilités. Aussi justifia-t-il d’avance le langage