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la haine de l’étranger, et cette haine, malgré les apparences, n’est pas exclusivement dirigée contre l’Autriche. Soyez sûrs que la France deviendra un jour tout aussi impopulaire. Quant à nous, peu nous importe que la Lombardie soit bien ou mal gouvernée ; nous n’avons qu’à nous préoccuper du droit public européen, des traités en vertu desquels l’Autriche possède ses provinces italiennes. »


XI. — LE COMPLIMENT DU JOUR DE L’AN.

Le premier janvier 1859, les représentans des puissances étrangères accrédités à Paris se présentèrent aux Tuileries, suivant l’usage, pour offrir à Napoléon III leurs félicitations personnelles et celles de leurs gouvernemens. Ils espéraient, en échange de leurs vœux pacifiques, recueillir des assurances tranquillisantes, car, depuis l’entrevue de Plombières (juillet 1858), on cédait partout à l’inquiétude ; partout on prévoyait des complications.

L’Empereur paraissait soucieux ; il accueillit froidement les Complimens du nonce apostolique ; et, lorsqu’il arriva devant l’ambassadeur d’Autriche, sans préambules — de sa voix la plus douce, il est vrai — il lui exprima le regret que les relations de la France et de l’Autriche ne fussent pas aussi satisfaisantes qu’il l’eût désiré. Il le pria toutefois d’assurer l’empereur François-Joseph que ses sentimens personnels à l’égard de Sa Majesté restaient inaltérés[1].

Le correctif atténuait sensiblement la gravité de cette apostrophe imprévue. Néanmoins, de telles paroles, prononcées au seuil d’une année nouvelle, à l’heure où l’espérance, ne serait-ce que fugitivement, reprend d’habitude ses droits, retentirent comme le premier grondement de la foudre. L’Empereur, sans doute, ne s’attendait pas à l’effet que ses paroles allaient produire en Europe ; à les bien peser, elles ne pouvaient se rapporter qu’aux affaires orientales. Car la question italienne, depuis le Congrès de Paris, n’avait été l’objet d’aucun débat entre Vienne et Paris. C’est à Constantinople que les deux gouvernemens s’étaient trouvés aux prises. L’Autriche avait déçu l’Empereur pendant la guerre d’Orient. Il avait compte

  1. « Je regrette que les relations entre les deux pays ne soient pas plus satisfaisantes : mais je vous prie d’assurer l’Empereur qu’elles n’altèrent en rien mes sentimens d’amitié pour lui.