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les conceptions de M. d’Argenson, fondées comme les siennes sur l’agrandissement de la Prusse et de la Sardaigne, pour faire contrepoids à la maison de Habsbourg. Il aurait compris surtout qu’en 1745, il n’était pas question de créer en Italie une union d’États, fondée sur le principe révolutionnaire des nationalités, soumise à la force irrésistible de la centralisation moderne, mais simplement de former une ligue de gouvernemens indépendans les uns des autres, se garantissant réciproquement et à jamais leurs possessions, toujours dominés par l’influence de la France, et n’ayant d’autre but que de concourir militairement et conjointement à la défense de la Péninsule contre un retour éventuel de l’Autriche[1].

L’Empereur se trompait d’époque, en voulant concilier les idées du parti libéral de la Restauration et de 1830 avec les combinaisons de notre ancienne politique. Ce fut son erreur ; et la France aurait mauvaise grâce si, malgré de dures épreuves, elle ne se montrait pas indulgente pour des illusions qu’elle a grandement partagées. Pouvait-on penser que les Italiens délivrés perdraient si vite le souvenir de nos constantes sympathies depuis 1815 et de notre confraternité sur les champs de bataille de 1859 ? Des générations entières avaient grandi dans l’amour de l’Italie ; sa cause avait trouvé dans la presse et dans les assemblées françaises d’éloquens défenseurs. M. Thiers n’avait-il pas crié du haut de la tribune : « Courage, Saint-Père ! » quand Pie IX, lors de son avènement au trône pontifical, donnait le branle aux aspirations unitaires de l’Italie ? Les esprits les plus chagrins étaient loin de soupçonner qu’avant peu, elle serait, de nos adversaires, le plus passionné et le plus provocant.

Les hommes d’État anglais, moins enclins aux illusions et peu disposés à se payer de mots, prévoyaient nos mécomptes. « Le sentiment le plus profond des Italiens, écrivait lord Granville au mois de décembre 1838, et qui prime dans tous les partis, c’est

  1. Mémoire remis par M. de Champeaux, le 30 novembre 1745, pour être envoyé à Turin. « L’intention du Roi est de former une association entre tous les princes d’Italie pour mettre les Allemands hors de la Péninsule, pour procurer aux princes une indépendance absolue, illimitée, pour les porter à prendre de concert des mesures efficaces tant pour empêcher qu’il ne puisse jamais, en aucun cas, entrer d’armées étrangères en Italie, que pour maintenir aussi une paix perpétuelle entre eux tous. Suivant les intentions du Roi, tout le corps des princes d’Italie aura toujours un corps de troupes prêt à s’assembler pour la défense de l’Italie contre les ennemis du dehors et garantira à chacun d’eux les États que chacun d’eux possède actuellement et ceux qu’il possédera en vertu du traité dont il s’agit. »