Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/773

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amour-propre, exalta son habileté et la sagesse de ses conseils. — « Je professe pour Votre Altesse, écrivait-il le 25 octobre, une respectueuse sympathie[1] ! Je me sens entièrement attaché à Elle par les liens d’une vive et sincère reconnaissance pour la part éminente qu’elle prend à la grande entreprise qui doit assurer la grandeur et la gloire de l’Italie. La mission que Votre Altesse a remplie à Varsovie avec une si remarquable habileté contribuera considérablement au succès. Le Tsar, quand même il se bornerait à empêcher l’immixtion de l’Allemagne dans nos affaires, assurera, à mon avis, le résultat de la guerre. En nous procurant son concours, Votre Altesse a rendu à notre cause le plus grand service. Nigra m’a fait connaître votre opinion sur la cause qui devra amener la rupture avec l’Autriche et, profitant de vos conseils, j’ai modifié le projet primitif, qui avait été arrêté à Plombières[2], dans le sens de vos idées. Il est urgent que Niel arrive à Turin, pour concerter avec La Marmora les préparatifs à faire ; car il se pourrait que les événemens en Orient nous fournissent, avant l’époque déterminée, une cause légitime de guerre. Je regrette que Votre Altesse préfère revenir ici pour régler tout à la fois ; cela m’empêchera de conférer avec vous sur une foule de questions de la plus haute importance pour le succès de la cause à laquelle vous vous dévouez avec une si généreuse ardeur. Je vous écrirai demain pour vous tenir au courant de ce qui se passe en Italie et pour réclamer vos conseils. Nigra vous fera parvenir mes lettres et m’apportera celles que vous daignerez m’écrire, sans que personne pénètre le secret de notre correspondance. » — 8 novembre 1858. — « Le Roi attend avec impatience le résultat de la mission de l’individu (sic)[3] que l’Empereur veut envoyer en Russie pour y signer le traité que Votre Altesse a à peu près conclu. Il serait utile que le Piémont y participât directement. Le Roi compte sur l’amitié de l’Empereur pour l’obtenir et sur l’intérêt que vous portez à sa cause, qui, ainsi que vous le dites, est maintenant la vôtre. Nigra, si Votre Altesse le juge nécessaire, se rendra à Paris à l’époque indiquée[4]. »

  1. Correspondance de M. de Cavour.
  2. Il avait été convenu que le Piémont chercherait querelle au duc de Modène à propos de Massa-Carrara pour provoquer l’intervention autrichienne. Le prétexte était futile ; le prince pensait qu’il vaudrait mieux invoquer la cause populaire des Lombards.
  3. L’amiral La Roncière.
  4. Les éditeurs de la Correspondance du comte de Cavour, pour justifier sans doute aux yeux des Italiens Le mariage conseillé au Roi, n’ont donné que les lettres adressées au prince Napoléon, qui témoignent de ses sympathies pour la cause italienne et des services qu’il lui a rendus : mais ils ont évité de reproduire celles qui attestent les discussions qui plus d’une fois se sont élevées entre eux, notamment à Villafranca. — Dans les lettres de M. de Cavour, il est toujours question de l’Italie, jamais de la France. On dirait que le gouvernement de l’Empereur ne peut et ne doit avoir d’autre souci que l’agrandissement du Piémont et la résurrection de l’Italie.