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prince Albert au baron de Stockmar, croit qu’il a choisi le bon moment pour faire la guerre et que le bon champ de bataille est l’Italie. Ceux qui l’entourent, surtout son cousin, lui crient dans les oreilles : Jamais il ne se retrouvera une occasion aussi belle ! Il va sans dire que les Russes sont dans l’affaire ; ils veulent se venger de l’Autriche sans bourse délier ; si les choses tournent mal pour la France, ils la lâcheront et se feront acheter par l’Autriche. Comment est-on assez borné à Paris pour ne pas s’en apercevoir ! »

Les plumes ne séchaient pas à Windsor, Laeken et Cobourg. Le roi Léopold et ses deux neveux se communiquaient leurs craintes ; ils voyaient les nuages grossir à l’horizon. Les diplomates belges, surtout le baron Nothomb, ministre à Berlin, leur mettaient martel en tête. Les relations que M. Nothomb avait nouées avec M. de Persigny en 1850, lors de sa mission en Prusse, et la confiance qu’il avait su inspirer à ce dernier, lui permettaient de parler savamment de la politique impériale, dont il avait scruté les moindres arrière-pensées. Ses dépêches et celles de ses collègues à Paris et à Pétersbourg étaient communiquées à Londres. L’Angleterre avait ainsi à son service des agens étrangers, dont on se méfiait d’autant moins qu’ils représentaient un pays neutre, désintéressé de la grande politique : elle faisait de la diplomatie en partie double.

La crise ministérielle qui, lors de l’avènement du prince de Prusse à la régence, avait substitué l’influence britannique aux tendances françaises de l’ancien cabinet prussien, était son œuvre. L’Empereur s’était montré vivement affecté du remplacement du baron de Manteuffel, car il le tenait pour un facteur important dans sa politique. Son bon vouloir lors de la reconnaissance de l’Empire, les services qu’il nous avait rendus pendant la guerre de Crimée, en nous renseignant, par voie détournée, sur la situation désespérée de Sébastopol au moment où nous allions lever le siège[1], sa haine contre l’Autriche, autorisaient Napoléon III à penser qu’il n’entraverait pas ses desseins en Italie. Bien avant M. de Bismarck, le baron de Manteuffel avait compris que la revanche d’Olmütz dépendait de la France. Aussi sa chute, à la veille des événemens qui se préparaient, avait-elle en quelque sorte le caractère d’une démonstration contre notre politique. L’Empereur

  1. Voyez la Prusse et son roi pendant la guerre de Crimée, chapitre XVIII : « Les mystérieuses révélations. »