reçoivent, il s’est probablement accru dans une proportion intermédiaire. Dans les manufactures de coton, les enfans gagnent au minimum 10 cents (25 centimes), les ouvrières adultes 25 à 28 cents (62 à 70 centimes). Dans les premiers mois qui suivirent le traité de Shimonosaki, les salaires correspondans n’étaient que de 20 cents ou 50 centimes. Le change n’ayant guère varié depuis lors, l’augmentation est donc très considérable. « Les femmes et les filles employées dans les manufactures de coton, dit dans son rapport pour 1897 le consul anglais de Shanghaï, peuvent gagner maintenant de 5 à 15 piastres (12 fr. 50 à 37 fr. 50) par mois. C’est là une véritable fortune pour des personnes qui arrivaient à peine à se faire 2 piastres (5 francs) par mois, en travaillant toute la journée à un métier indigène. » Le même rapport fait remarquer qu’en certaines branches de l’industrie de la soie, les salaires des ouvrières chinoises sont déjà aussi élevés que ceux des ouvrières italiennes en Italie. Le contremaître qui me guidait dans une fabrique de coton, un Péruvien, sans doute quelque peu mâtiné de nègre, à en juger par ses cheveux crépus et ses pommettes saillantes, me disait qu’étant enfant, il avait lui-même travaillé dans son pays à la même industrie, moyennant un salaire de 5 cents or par jour, ce qui équivaut précisément aux 10 cents argent payés aux enfans à Shanghaï.
Ce serait donc une erreur de croire que la Chine est destinée à rester toujours un pays de très bas salaires. Sans doute, il se passera longtemps avant que la généralité de ceux-ci atteignent les taux auxquels ils s’élèvent en Europe, mais ils hausseront rapidement partout où se produira une importante demande de travail. Les Célestes sauront fort bien s’organiser et se coaliser au besoin pour atteindre ce résultat. N’a-t-on pas déjà vu l’hiver dernier, à Shanghaï, une grève des traîneurs de grandes brouettes, insurgés contre un arrêté municipal, à la suite de laquelle il fallut composer avec eux ? N’y a-t-il pas aussi des grèves au Japon ?
Ceci semble bien prouver qu’il y a une part de fantasmagorie dans le fameux péril jaune dont s’inquiètent beaucoup de personnes. Sans doute, ce ne sont pas seulement bâtons flottans ; mais, en tout cas, le danger n’est pas proche et, lors même que les peuples d’Extrême-Orient arriveraient à produire eux-mêmes un jour presque tous les articles qu’ils importent actuellement d’Europe, le commerce que ferait l’Occident avec ces communautés, devenues infiniment plus riches qu’elles ne le sont aujourd’hui, n’en