majorité des femmes, et il était souvent difficile de conserver les meilleures qu’un concurrent tentait de débaucher par l’offre d’un gage supérieur.
La qualité de la main-d’œuvre paraît satisfaisante, au dire des directeurs, et, dans les fabriques que j’ai visitées, l’ordre et la propreté étaient au moins aussi grands qu’en aucune manufacture européenne ou américaine du même genre. Contrairement à ce qui se passe en d’autres pays qui débutent dans la vie industrielle, comme la Russie et le Japon, à ce qui eut lieu aussi en Angleterre aux origines de la grande industrie, les ouvrières ne sont pas des jeunes filles logées près de l’atelier dans des bâtimens appartenant à la compagnie et ayant laissé au loin leurs parens. Les Chinoises employées à Shanghaï vivent au contraire en famille ; beaucoup sont des femmes mariées, et, si l’on voit travailler un si grand nombre de petites filles, alors que les industriels préféreraient en général ne les embaucher qu’à treize ou quatorze ans, c’est que les mères de famille ne veulent pas se séparer de leur progéniture et quitteraient l’usine si l’on ne consentait à prendre avec elles leurs filles dès l’âge de dix ans environ. Ces enfans jouent le rôle d’auxiliaires, préparant surtout les cocons dans l’eau bouillante pour les fileuses ; dans la filature de soie que je visitai, on leur accordait chaque jour une demi-heure d’école, à laquelle elles tenaient beaucoup et où une fileuse, leur mère ou leur sœur, leur apprenait le métier et surtout l’art de jeter le brin, qui en est la partie la plus difficile. Ce système a l’avantage de permettre de former de bonnes ouvrières, et les patrons s’en déclaraient fort satisfaits.
La durée de présence à l’atelier dans les filatures de Shanghaï est de douze heures, généralement de 6 heures du matin à 6 heures du soir, y compris une heure et quart absorbée par les repas. Dans les manufactures de soie, les petites filles gagnent de 5 à 6 cents (12 à 15 centimes) par jour à leur arrivée. Mais on les augmente bientôt, et la moyenne pour cette catégorie est de 8 à 9 cents (20 à 23 centimes). Une ouvrière fileuse de bonne moyenne est payée de 35 à 36 cents (90 centimes environ). En 1891-92, dans la même filature, qui fonctionnait déjà beaucoup plus petitement sous un prête-nom chinois, le salaire n’était que de 16 à 18 cents ; exprimé en argent, il a donc largement doublé ; la perte du change s’est beaucoup accrue, de sorte qu’il n’a guère fait en réalité qu’augmenter de 40 pour 100, si l’on prend sa valeur en or. Quant au salaire réel, au pouvoir d’achat de la somme que les ouvrières