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la même charité, qu’ils tombent sur mer ou sur terre. Le comte Mouravief propose, en conséquence, de neutraliser des navires ou des chaloupes, chargés du sauvetage des naufragés pendant et après les combats maritimes. Nous aimons à croire que tout le monde sera de cet avis. La circulaire russe revient aussi sur la déclaration de 1874. Elle a été approuvée par les représentans de toutes les puissances à la conférence de Bruxelles, mais elle n’a pas encore été ratifiée par leurs gouvernemens. Cela est fâcheux : il vaudrait mieux qu’une ratification officielle fût donnée à une œuvre aussi importante, et peut-être le sera-t-elle un jour prochain, lorsque la nouvelle conférence aura, à son tour, rempli sa tâche. L’œuvre alors sera plus complète, et elle acquerra une autorité plus grande. Mais, ratifiée ou non, elle n’en conserve pas moins une réelle valeur pratique. Même les gouvernemens qui, dans l’ignorance des conditions où se dérouleront les guerres futures, hésitent à prendre des engagemens trop étroits, se sentent néanmoins tenus à respecter les règles qui ont été posées et consenties en commun par leurs représentans. Chacune de ces conférences fait faire un progrès au droit des gens, c’est-à-dire à l’introduction de règles plus humaines dans un champ qui était primitivement abandonné à la force pure et à la brutalité, et où elles continueront malheureusement de dominer. Le programme se termine, comme nous l’avons dit, par une proposition relative à l’usage des bons offices, de la médiation et de l’arbitrage facultatif, et le comte Mouravief ajoute avec beaucoup de sagesse : « pour les cas qui s’y prêtent. » Ils ne s’y prêtent pas tous, et l’arbitrage supprimera seulement, dans l’avenir comme autrefois, les conflits qu’on sera, de part et d’autre, résolu de ne pas pousser à bout. Dans ces limites, il peut rendre de grands services, et l’emploi ne saurait en être trop encouragé. La conférence devra établir une entente au sujet du mode d’application de ces adjuvans pacifiques. Rien de mieux, assurément. Les bons offices, la médiation, l’arbitrage ne supprimeraient-ils qu’une guerre par siècle, et moins encore, qu’il faudrait les bénir.

Inutile de dire que la future conférence devra s’enfermer très strictement dans son cadre. Tel qu’il est, il est immense. Même sur les points où nous avons fait des réserves, il y a des améliorations à apporter à l’état de choses existant, et, s’il est impossible de figer en quelque sorte toutes les nations dans cet état ne varietur, on peut sans doute prendre des mesures pour qu’il évolue dans un sens meilleur au lieu d’évoluer dans un pire. C’est la tâche de la conférence. M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères, exposait, le 23 janvier, à la