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sous la protection des lois européennes, que se concentre tout le commerce extérieur de la Chine.

L’aspect des ports de traité varie beaucoup, comme leur importance, depuis les quelques maisons aux jardins entourés de murs, éparses sur le terrain sablonneux de Pakhoï jusqu’à la ville européenne de Sanghaï : la vue de celle-ci est bien faite pour exalter l’orgueil de race des Occidentaux. Lorsqu’on y arrive, après avoir navigué pendant plusieurs heures, sur les eaux jaunes du « fleuve Bleu » aux berges plates couvertes de rivières et de champs de coton, puis avoir passé la barre de Woosung et remonté la rivière Whangpou, il semble qu’on se trouve dans le Lancashire, tellement sont nombreuses les hautes cheminées d’usines que l’on dépasse. On débarque sur le Bund, la grande artère de la ville qui suit le quai, bordée d’un côté de pelouses plantées d’arbres, et, de l’autre, de belles maisons à l’européenne, où sont installés les bureaux des compagnies de navigation, des grandes maisons de commerce et de banque. Les autres rues, quoique n’étant pas rigoureusement droites, sont, les unes à peu près parallèles, les autres perpendiculaires au Bund et habitées aussi par des Européens. On peut seulement leur reprocher d’être un peu étroites. Plus en arrière, s’étendent les quartiers chinois avec leurs maisons de bois, leurs boutiques aux enseignes verticales, aux grosses lanternes de papier, mais aux rues malgré tout proprement tenues, grâce à la voirie européenne, et contrastant d’une manière frappante avec la malpropreté de la véritable ville indigène qui s’élève au sud des concessions. Une fois sorti de la ville proprement dite, on arrive au champ de courses, aux terrains de cricket, de golf, de lawn-tennis, à Dubbling-Well Road, et à d’autres avenues bordées de beaux jardins, où sont bâties les maisons des plus riches résidens européens.

Avant la guerre sino-japonaise, les étrangers n’avaient d’autre droit que de s’établir dans ces ports ouverts pour y faire le commerce et de voyager dans l’intérieur en se munissant d’un passeport. Isolés autant que possible des populations, ils pouvaient bien échanger leurs marchandises contre les articles indigènes, mais n’avaient le droit de rien faire qui modifiât les conditions de la production dans le pays même, de rien entreprendre en vue de mieux utiliser ses vastes ressources. Il n’y avait, d’autre part, rien à attendre de l’initiative privée indigène et le gouvernement qui eût, au besoin, découragé celle-ci, n’avait introduit qu’une seule