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Pas davantage, je n’ai voulu parler de nos vieilles colonies, hélas ! bien près de la ruine. Celles-là ont peut-être donné leur maximum de production. Elles ont été exploitées largement et ont prospéré par la culture de la canne à sucre. Cette industrie malheureusement est aujourd’hui bien malade, et on peut dire que l’heure est près de sonner où, dans ces îles jadis si riches et toujours si riantes, on ne cultivera plus que la politique. Mais c’est uniquement de nos colonies récemment conquises que j’ai voulu parler dans ces notes.

Comme conclusions, nous pouvons d’abord nous demander si l’extension coloniale que nous poursuivons répond bien, chez nous, à un réel besoin d’accroissement territorial, ou si, plutôt, nous ne subissons pas, comme en tant d’autres choses, un entraînement fait d’espoirs vains et de patriotisme sentimental ? Si, en effet, nous ne voulons ou ne pouvons peupler et exploiter les domaines coloniaux dont nous faisons la conquête, quel profit retirerons-nous jamais de l’acquisition de tant de territoires ?

Aux dépens de notre fortune publique, nous agrandissons nos possessions extérieures. Nous avons, il est vrai, l’illusion d’un important avoir colonial ; c’est le grand et beau domaine cité plus haut. Cela flatte notre amour-propre national, mais ne nous donne aucun bénéfice. Les Allemands, au contraire, sans tant de conquêtes lointaines, agrandissent méthodiquement le rayonnement de leur commerce et de leur nationalité. Ils s’enrichissent avec leurs colonies commerciales ; colonies vivaces et prospères, sans fonctionnaires et sans dépenses. Logiquement, sous des apparences coloniales plus modestes, ils arrivent à de plus profitables résultats.

De tout cela nous pouvons tirer l’enseignement indiqué au commencement de cette étude. C’est le développement extérieur de notre commerce que nous devons surtout poursuivre ; et c’est en dirigeant cette extension commerciale vers nos nouvelles colonies que nous pourrons arriver à les rendre prospères. Nous devons imiter nos concurrens, les Anglais et les Allemands. Quand, comme eux, nous aurons donné un réel essor à notre industrie, et surtout à notre commerce, nous réussirons alors a avoir des colonies riches, productives et profitables.


F. VIÉ.