par nos armes et, le plus souvent, après des sacrifices considérables et de coûteux efforts. Malheureusement, nous n’avons pas au même degré la préoccupation du profit à tirer de nos conquêtes nouvelles, comme aussi nous manquons des principales conditions nécessaires à leur prompte mise en exploitation.
Nous n’avons pas, en France, ce caractère spécial, propre à nos voisins d’outre-Manche, qui les pousse loin de leur pays natal, à la recherche de la fortune et de tout ce qui se peut acquérir. Quoique, bien souvent, des apôtres de la colonisation se soient efforcés d’établir le contraire, le Français n’est pas un colonisateur. Cela ne veut certes pas dire qu’il lui manque toutes les qualités requises pour coloniser ; il est industrieux, sobre, de besoins restreints, économe, laborieux aussi ; il pourrait donc aller s’établir en des pays nouveaux, avec chances de réussite. Mais il lui manque la condition capitale, indispensable, il n’est pas migrateur.
Pour coloniser, il faut d’abord aller dans une colonie ; or le Français n’a aucun goût pour l’éloignement de son pays. Tout, dans ses mœurs, dans ses sentimens et dans son éducation, le porte à rester en France, en un endroit quelconque de France, s’il est dans l’obligation de quitter sa ville ou son village, mais dans sa ville même ou dans son propre village, s’il le peut.
Né sur une terre bénie, la plus belle, la plus séduisante à tous égards, de mœurs familiales d’une douceur et d’un charme incomparables, il a quelque raison de s’attacher à son pays et à sa maison. Nous sommes un peuple heureux. Mais le bonheur même dont nous jouissons est la raison précise de notre résistance à tout projet de départ. Nous ne pouvons nous résigner à l’idée d’abandonner le coin de terre qui nous assure ce bonheur facile pour aller au loin chercher une réussite douteuse et courir après une fortune incertaine.
Le Français, répétons-le, à part cette répulsion pour l’éloignement de son pays, a bien les aptitudes nécessaires pour la colonisation. La preuve nous en est donnée par ces émigrations fréquentes de Corses qui vont se grouper en certaines contrées lointaines et y fondent parfois de si importantes colonies. Citons de même une petite ville des Alpes, Barcelonnette, qui est devenue le point de départ d’une véritable légion de pionniers commerciaux. Ces intelligens et laborieux émigrés ont été se grouper au Mexique et dans quelques républiques du Centre-Amérique où ils ont établi de grandes exploitations commerciales. Ces petites colonies si typiques sont partout connues et désignées sous le nom de « Barcelonnettes. » Il faut citer encore Bayonne, point