avec le dehors, et voulaient avoir le droit de traiter avec qui bon leur semblait ; ils refusaient de se soumettre plus longtemps aux taxes arbitraires et aux procédés souvent sommaires des autorités locales. Tous ces desiderata et bien d’autres, qui nous paraissent fort naturels, semblaient et semblent encore parfaitement déraisonnables et exorbitans aux Chinois. Des réclamations incessantes des étrangers, aussi bien aujourd’hui qu’au début ou au milieu du siècle, ils concluent simplement que nous voulons les obliger à se conduire dans leur pays suivant nos usages, alors qu’étant chez eux, nous devrions nous soumettre aux leurs, nous parussent-ils vexatoires et nuisibles au développement du commerce. Charbonnier est maître chez soi ; les Chinois se croient le droit de l’être chez eux. C’est ce que l’Europe d’aujourd’hui se refuse à admettre sans de graves restrictions ; elle est convaincue, elle, que les habitans d’un pays vaste et bien doué n’ont pas le droit d’en soustraire les richesses à l’humanité et que, s’ils les laissent dormir, faute de moyens ou de bonne volonté, ils ne doivent pas interdire aux autres de les mettre en valeur, avec les instrumens perfectionnés dont ceux-ci disposent ; elle veut non seulement commercer, mais exploiter, quelque révolution qui puisse en résulter dans les plus anciennes habitudes.
Cette radicale différence de points de vue est l’origine de toutes les difficultés entre les puissances européennes et le Céleste Empire. Les Occidentaux jugent-ils un acte utile à leurs intérêts et, d’ailleurs, licite selon leur conception de la morale et les lois de leur pays, ils prétendent aussitôt au droit de l’accomplir en Chine, sans se préoccuper de savoir s’il ne porte pas atteinte aux règles de l’usage ou même aux préceptes de la morale chinoise. Ce n’est pas seulement dans l’ordre des faits économiques que les étrangers se conduisent ainsi, c’est encore dans le domaine religieux. Nous professons certes la plus grande admiration et le plus profond respect pour les hommes qui vont, au péril de leur vie, porter l’Évangile au milieu de populations qui ne le connaissent pas, sans aucun autre espoir que de sauver des âmes, et nous sommes convaincus de la supériorité de la morale de Jésus sur celle de Confucius. Il n’en est pas moins vrai que la propagande chrétienne choque profondément toutes les traditions, qu’elle ébranle les fondemens mêmes de la société chinoise. Les gouvernemens européens interdiraient, à n’en pas douter, comme contraire à la morale publique, la prédication d’une religion