déborder hors de ce cadre étroit. Ils s’étageaient les uns au-dessus des autres, se pressaient sur les pentes, s’élevaient au sommet des collines, se blottissaient contre les lourdes murailles du Capitole, énormes et massifs, légers et gracieux, tantôt épanouis en une riche floraison d’acanthes sous leurs architraves, tantôt découpant la sévérité de leurs angles ioniques ou couronnés du simple carré dorien. Au-dessus de cet amas de pierres, étincelaient les triglyphes polychromes, se détachaient les tympans, s’élançaient des quadriges ailés comme impatiens de se perdre sous la radieuse immensité de ce ciel d’azur. Et la place entière paraissait inondée, sous les flots mouvans de ce large fleuve humain. La foule se pressait sous l’arc de la basilique de Jules César ; elle entourait le temple exigu de Vesta, s’étageait le long des gradins de l’escalier de Castor et de Pollux. Sur ce fond de marbre lumineux, les silhouettes s’enlevaient pareilles à un essaim de papillons multicolores, ou d’oiseaux au plumage chatoyant. Les oisifs s’arrêtaient au pied des rostres, pour écouter les rhéteurs et les poètes dont la voix se perdait, dominés par les cris des vendeurs ambulans, chargés de corbeilles de fruits, d’outrés pleines de vin, d’amphores d’eau fraîche, mélangée de sirop de ligue. Ici, des charlatans prônaient l’infaillible efficacité de leurs remèdes ; là, des devins interprétaient les songes. Le son des sistres et des flûtes grecques se mêlait par intervalles à cette rumeur assourdissante et continue. Au travers de la foule insouciante ou joyeuse, les dévots et les malades se frayaient un chemin, portant leurs présens aux temples. Sur les larges dalles du pavé, des pigeons s’abattaient par troupes, becquetaient les grains de mil ou de blé jetés en offrande, puis s’envolaient soudain en un long frémissement d’ailes palpitantes. De temps à autre, au passage d’une litière, où apparaissait un gracieux profil féminin, le visage sévère d’un sénateur, les traits pour ainsi dire pétrifiés dans leur pâleur de marbre, la foule s’écartait, lançant à haute voix quelque nom connu, au milieu de quolibets, de louanges, d’injures, émises en toutes les langues et tous les idiomes de la terre. Des soldats et des vigiles, chargés de veiller au bon ordre de la cité, défilaient au pas régulier et sonore de leur marche cadencée. L’élément indigène disparaissait, submergé sous les flots de cette multitude étrangère et bigarrée… Éthiopiens à la peau cuivrée ; blonds guerriers des pays du Nord, Gaulois, Bretons, Germains de taille gigantesque ; naturels des rives de l’Euphrate et de l’Indus, avec leurs barbes tressées, enduites d’une teinture rougeâtre ; Syriens des bords de l’Oronte, leurs yeux noirs et doux, fendus en amande ; Égyptiens, un éternel sourire figé sur leurs lèvres minces ; Numides et Arabes du désert, desséchés ou bien polis comme l’ivoire ;.. et les Grecs enfin, véritables maîtres de la Ville, parce qu’ils avaient su, non seulement imposer leurs mœurs, leur esprit et leur art aux vainqueurs, mais les dominer aussi, à force de
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