incomparable, s’écrie-t-il, un regard vous a suffi pour juger et définir cette jeune fille… Je lis votre arrêt sur vos lèvres divines : « Pas de hanches ! » — Tu l’as dit — c’est bien ça… pas de hanches ! » répète Néron,… et ces mots lui reviendront, ainsi qu’une ritournelle apprise, chaque fois qu’il entendra prononcer le nom de l’otage.
À la mort de la petite Augusta, unique enfant qu’il ait eue de Poppée, les sanglots étudiés de César se transforment par degrés en des cris perçans. D’un geste rapide, Pétronius arrache l’étoffe de soie dont il a coutume de s’envelopper le cou, et lui en bouche les lèvres : — Seigneur, détruisez Rome et le monde, s’il leur faut un holocauste digne de votre douleur ; mais, par pitié, conservez-nous votre voix divine ! »
Pourtant ce courtisan, ce sybarite, qui tombera plutôt que de prendre sur lui le fardeau des affaires, a ses momens de générosité et d’émotion. Sous cette poitrine de marbre, bat un cœur accessible aux joies de l’amitié. Pétrone aime tendrement Vinicius… Il lui rappelle la statue d’Hercule, due au ciseau de Lysippe, qui orne un des portiques du palais des Césars ; mais cette fantaisie d’artiste ne l’empêche pas de lui sacrifier jusqu’à son repos prisé par-dessus toute chose, au point de risquer en mainte occasion sa vie pour le sauver. Et il saura mourir à l’heure choisie par lui, non en vaincu, mais en maître qui sait dominer les événemens. « Il est de belles choses en ce monde ; seulement les hommes y sont si vils et si lâches, qu’il ne peut nous convenir de trop regretter l’existence. Celui qui a su vivre doit aussi savoir mourir. » Tel est le résumé de sa philosophie et de sa morale. Et il meurt comme il a vécu, en esthète, en arbitre de l’élégance, entouré de ses cliens, tenant Eunice entre ses bras, bercé par la double harmonie des vers et des chants, au milieu des splendeurs d’une table chargée des vins et des mets les plus exquis. Son médecin grec lui ouvre les veines. Alors Eunice, résolue à ne pas survivre à son maître, lui tend, elle aussi, son bras nu orné de bracelets. Et Pétrone ému d’une si fidèle tendresse, incliné vers son amante, dont il effleure les lèvres d’un baiser :
— Oui, viens avec moi, dit-il, car tu m’as vraiment aimé.
Les chœurs mêlent leurs chants aux sons voilés des cithares. Eux, enlacés, divinement beaux, écoutent, sourians et pâles. Les coupes pleines d’ambroisie circulent à la ronde. Pétronius s’entretient avec