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geoises ou grandes dames, il semble qu’il n’en rencontre guère de cruelles. C’est un sujet dont il s’abstient soigneusement d’entretenir Mlle  de Fromont dans ses lettres ; il ne résiste point pourtant à lui parler des charmes de son hôtesse, qui l’occupe d’une façon toute particulière, et qui possédait, à l’en croire, « un petit pied charmant. » Elle avait pour lui, d’ailleurs, les attentions les plus délicates, lui faisant absorber, au moindre refroidissement, « force thés et tisanes. » Aussi bien ne sortait-il d’un rhume que pour retomber dans un autre. La saison était si froide qu’au mois de juin on faisait du feu.

« En visitant hier le château royal de Potsdam, écrivait Reiset dans une lettre datée de juillet, j’ai escamoté dans le tiroir d’un secrétaire des appartemens de Frédéric une feuille de papier vert et une plume qu’on dit lui avoir appartenu. Il y a dans ce tiroir nombre d’objets qu’on garde comme des reliques. Il paraît que le grand homme n’était ni soigneux, ni propre : tous ses meubles sont salis et déchirés à faire peur ; il y a sur ses livres nombre de taches d’encre et des empreintes de doigts. »

« Je ne vous raconte pas l’entrevue de Tilsitt, disait-il quelques jours plus tard : je pense que vous devez en connaître aussi bien que moi le résultat : c’est la paix, et une paix durable cette fois. Dans deux ou trois mois, nous serons de retour en France. »

Une fois de plus son espérance se trouva déçue ; le général Bourcier avait trouvé en lui un auxiliaire trop précieux pour consentir à s’en séparer, et ce n’est qu’après la dissolution du grand dépôt de Postdam, à la fin de 1808, qu’il lui fut enfin donné de rentrer en France, où l’attendait le brevet de colonel.

Ses longues fiançailles avec Mlle  de Fromont allaient aussi prendre fin, et lorsqu’il retourna au château de Vic-sur-Aisne, ce fut pour y voir se réaliser les vœux et les projets qu’il avait formés quatre ans auparavant. Mais force nous est d’arrêter ici nos extraits, puisque le premier volume se termine avec le mariage de notre héros.

La part que prit Reiset aux dernières campagnes de l’Empire et son rôle important sous le gouvernement de la Restauration, où les titres et les honneurs furent la récompense de ses loyaux services ; ses relations avec Louis XVIII, qui l’honora de son amitié, ses séjours en Espagne, où il commandait en chef le corps d’occupation de Catalogne, feront l’objet d’un autre volume que son petit-fils, le vicomte de Reiset nous promet pour l’an prochain.