1806, faisant, par le froid et la neige, des courses longues et pénibles, tantôt dans les montagnes, tantôt dans les bois, le plus souvent par des chemins impraticables… Nous étions aux portes de Munich, lorsqu’on nous fit rétrograder jusqu’à Dinjelfingen, où nous attendons notre sort ultérieur. Nous rentrerons probablement les derniers en France : nous formons l’arrière-garde du maréchal Soultn qui évacue le dernier l’Allemagne, notre retour s’effectuant pas la haute Bavière. Il est probable que nous passerons le Rhin à Spire et à Mayence. »
Hélas ! il était loin de compte, et l’heure n’était pas venue de son retour en France ! « Nous sommes depuis vingt jours, écrivait-il le 9 avril, dans un affreux trou appelé Nadermack, où il n’y a aucune ressource : et je perdrais volontiers patience, tant on a de peine à se faire aux habitudes et aux manières des gens de ce pays-ci. Je loge à la ville haute chez un huissier, et j’ai deux pièces à ma disposition. Dans ma chambre et dans celle qui précède, j’ai trois énormes crucifix, dont un de toute la hauteur de l’appartement, et par conséquent beaucoup plus gros que moi. Il fait face à mon lit, et m’impressionne péniblement lorsque j’ouvre les yeux en me réveillant. Il faut ajouter à cela une demi-douzaine de saints et de saintes. La fureur des crucifix et des vierges est unique dans ce pays-ci. Il y en a partout, à chaque coin de rue, dans les appartemens et les corridors, même sur les escaliers, où chacun en montant fixe le visage pitoyable et tout dégouttant de sang du pauvre crucifié. »
« Nous sommes à Schwandorff sur la Nahe, écrit Reiset dans les premiers jours de mai, cherchant à passer notre temps le moins tristement possible. Nous avons été, il y a deux jours, faire visite à une princesse de nos environs qui parle français. Avant-hier nous avons joué à la bague sur nos chevaux dans un manège découvert. »
Le mois suivant il est à Sullzbach « constamment en fêtes. » Non content d’assister à des bals et à des spectacles, il en organise lui-même, s’improvisant décorateur, metteur en scène, acteur, toujours avec l’idée que d’un instant à l’autre, un ordre de départ viendra rendre ses préparatifs inutiles. Mais rien n’arrive. « Dimanche dernier, enfin, écrit-il le 23 septembre, un courrier nous porte à l’improviste l’ordre de partir le lendemain matin. Nous sommes placés sur deux Lignes, et faisons face à Bayreuth et à la Saxe. Je ne sais ni ne me doute de ce qu’il en sera ; depuis le ma-