inactif tandis que l’armée s’avance et marche de succès en succès. On m’a logé dans un palais où mon hôte a pour moi les soins les plus minutieux et les attentions les plus délicates. Quelle différence avec la position où je me trouvais, il y a huit ou dix jours, sans toit, sans pain, dans l’eau jusqu’aux genoux, et ne me séchant que près d’un mauvais feu, que la pluie ou le vent éteignaient toujours. Maintenant bon lit, bonne table, et des salons où je me perds. Eh bien, chère Amélie, je suis bien loin de me trouver heureux ! Dans mon métier, et à mon âge, on ne peut aimer le repos lorsqu’il faut le payer de sa gloire et de sa réputation. Vous vous rappelez d’ailleurs qu’on a mis une condition à notre bonheur : ma mère et la vôtre m’ont positivement annoncé qu’on attendrait que j’eusse un grade plus élevé ; et au poste où je me trouve je n’ai absolument aucun avancement à espérer. Je n’ai point hésité à faire le sacrifice de mon repos, et j’ai écrit partout pour solliciter une rentrée au corps. Malheureusement je sors de chez le général d’Hilliers, sur lequel je comptais beaucoup : il m’a déclaré que je ne pouvais quitter mon poste sans un ordre du ministre ou de l’Empereur. »
Reiset fit du moins tout son possible pour se distraire durant ce séjour à Neubourg ; et l’on peut même croire qu’il y réussit parfaitement, à en juger par les continuelles peintures de fêtes, bals, spectacles, etc., dont sont remplies ses lettres et ses notes. Son hôtesse, Mme de Reisach, qui était « jeune et jolie, » s’ingénia tout le temps à le divertir. Tantôt elle le conduisait à la petite cour que tenait à Neubourg la duchesse de Deux-Ponts, tantôt elle lui montrait les environs de la ville et le tombeau de La Tour-d’Auvergne, à Oberhausen ; d’autres fois, c’étaient des chasses organisées en son honneur. Le jeune officier aurait été tout à fait heureux, sans les nouvelles qui lui parvenaient tous les jours de victoires auxquelles il n’avait pu prendre part. Un jour enfin, le 14 novembre, n’y tenant plus, il partit pour Munich ; le 19, à midi, il entrait à Vienne, où était l’armée. « Le général d’Hilliers, écrit-il, me traita avec beaucoup de bonté. Il me mit aux arrêts pourtant pour quelques jours, mais m’assura que cela ne nuirait en rien à ma carrière. Je passai un mois tout entier à Vienne fort agréablement. »
Les mois suivans se passèrent en marches et en contremarches, dont Reiset nous fait, dans ses lettres, une description assez désolante. « Nous allons de village en village, écrit-il en février