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VI. — ANGHOR-THÔM

Un matin, à l’aube, nous quittons la sala d’Angkor-Wat. Compeng-Keo, Su-Ling et moi, pour nous enfoncer dans les bois. Les oiseaux et les insectes ailés, qui s’éveillent, les remplissent de ramages et de bourdonnemens, et le soleil levant vient bientôt les animer de ses grands jeux de lumière. Hélas ! les moustiques aussi sont sortis de leurs retraites, par myriades, et s’abattent sur nous dès que les petits bœufs des charrettes ralentissent leur course. En moins d’une heure, nous arrivons aux murs d’Angkor-Thôm, l’ancienne capitale des Khmers ; l’enceinte, en moellons rouges de Bien-Hoa, est couronnée par une frise d’ogives indiennes ; dissimulée dans les taillis vierges, elle dessine un carré de seize kilomètres de pourtour. Un bloc de pierres grises, surmonté par trois têtes de Brahma à quadruples faces et percé d’une fente étroite, se dresse en travers du sentier : c’est la porte de la Victoire. Elle se raccorde à la muraille par une série de ressauts à angles droits où sont nichés des éléphans tricéphales. De chaque côté du passage dallé et creusé d’ornières, s’ouvre une salle qui abritait un corps de garde.

La forêt a escaladé les murs et la porte, et comblé le fossé de 120 mètres de largeur qui en défendait les approches. Sur la crête des murailles, sur les pinacles de la porte monumentale et jusque sur les têtes défigurées du dieu des Brahmanes, partout l’arbre touffu, le dernier conquérant d’Angkor, se dresse victorieusement ; dans les branches, des singes et des écureuils jouent sans crainte. Après cette rapide vision de pierres disjointes, à peine entrevues au travers des feuillages, nous rentrons dans la forêt sans fin, grande comme l’ancien royaume. Les troncs séculaires, doublés de lianes énormes, fleuris d’orchidées, portent haut dans les airs leurs frondaisons dont le vert éclate sous la lumière crue ; à leur pied, les palmiers épineux, les cycas, les balisiers et les fougères se pressent en masses sombres. Les oiseaux des bois sifflent, chantent ou s’appellent, les uns avec des cris stridens, les autres avec de longues notes sonores ; dans les ondes de clartés qui percent les ramures, des essains de bestioles ailées s’agitent, faisant miroiter leurs ailes et leurs corselets aux reflets de pierres précieuses.

Angkor-Thôm, Angkor-la-Grande, s’est effondrée sous la