du saint des saints, et. tout d’un coup, celui-ci se trouve reculé, invisible encore, au sommet d’une montagne de pierre escarpée. Des escaliers très raides l’escaladent, gardés par des sioms, des lions grimaçans, perchés sur les limons. En haut, c’est une muraille sévère, percée d’ouvertures grillées, étroites, et flanquée de tours qui vous écrasent. On se sent subitement tout rapetissé : il s’est dressé entre vous et le sanctuaire des choses de terreur, énormes ; d’abord ces escaliers ardus qui, sous l’œil des lions menaçans, vous amènent comme prosterné à l’entrée des sombres couloirs ouverts dans la muraille ; puis cette galerie aux fenêtres garnies de barreaux de pierre arrondis comme pour garder des prisonniers ; enfin, le Naga, le serpent à sept têtes, ornement d’épouvante, qui encadre les tympans et les frontons où sont sculptés des combats d’êtres fantastiques… Osera-t-on violer l’asile des dieux redoutés, que le silence et la solitude défendent d’une façon plus impressionnante encore que les artifices d’un art prodigieux ?
Mais la nature a revêtu les mornes pierres d’une végétation qui en adoucit l’âpreté ; des touffes d’arbustes et de bananiers se sont accrochées aux murs, ont escaladé les tours ; et, par les fentes que les racines ont ouvertes, il semble que l’essence terrible des mystères d’autrefois se soit comme évaporée. Aussi, les gracieuses Apsaras sont là, au pied des portiques effrayans, vous encourageant de leur sourire contenu. Et l’on monte, en faisant fuir de gros lézards et des caméléons, dont le glissement sur les dalles vous donne de petits frissons…
Rien ne peut rendre la richesse de la décoration extérieure des tours et des murs du soubassement ; la pierre disparaît sous les ciselures, comme la chair d’une femme sous trop de pierreries. Par un saisissant contraste, les faces intérieures du cloître et de la galerie en croix sont sans un ornement. Les murs sont nus, les colonnes carrées sont nues ; pas une image ne venait distraire la pensée de celui qui, une fois engagé dans les derniers couloirs, devait s’abîmer dans une adoration complète pour ramper jusqu’au pied de l’idole, sans que rien pût troubler son désir de la divinité. Il fallait que l’âme arrivât là toute nue, comme la pierre des murs.
Pendant que je gravissais les marches qui amènent aux portes de la cella, Compeng-Keo avait, pour s’amuser, mis le feu aux brousses jaunies par le soleil qui encombraient les cours intérieures ;