prodigieuse qui domine la pagode. Là se dressait le symbole sous lequel s’abritait la divinité suprême que, seuls, les initiés pouvaient contempler à la clarté des lampes parfumées. Trente mètres plus haut que l’idole, à soixante mètres au-dessus de la plaine où ondulaient les épis de riz, le bouton de lotus en or qui couronnait le Préa-Sat brillait de très loin aux yeux de tous. La fleur mystique rappelait aux populations courbées sous le joug des Khmers la religion des conquérans venus de l’Inde, qui avait remplacé le culte du serpent pratiqué par les pauvres aborigènes de ce pays de marécages.
Puis, un jour, étaient arrivés des mendians vêtus de haillons jaunes, missionnaires d’une loi nouvelle, la loi de renoncement et de fraternité que le Bouddha avait prêchée. À leur voix, quatre pierres furent dressées qui murèrent les quatre portes de la cella sacrée des Brahmanes ; quatre statues de Çakya-Mouni s’élevèrent sur les seuils fermés à jamais, et le temple du Ramayana et des Apsaras devint le temple du Bouddha. Plus tard, quand l’empire khmer se fut effondré, la pagode magnifique devint une ruine, abandonnée des humains pendant des centaines d’années. Aujourd’hui, la cella est encore murée. Les vestibules très sombres qui l’entourent sont le repaire favori des chauves-souris, l’endroit où elles sont le plus rarement troublées ; au pied des quatre grands Bouddhas laqués d’or qui gardent l’impénétrable sanctuaire, sont rangés des Bouddhas plus petits, assis ou couchés ; une poussière fine, impalpable, les recouvre comme un linceul d’oubli ; sur les dalles où s’agenouillèrent les chefs de tant de générations, les chauves-souris ont amoncelé leurs fientes, à l’insupportable odeur musquée ; des araignées énormes ont tapissé les murs noircis et dévastés, et l’éternel silence s’est fait dans ce lieu deux fois très saint, où adorèrent des peuples inconnus…
Le Préa-Sat se dresse au centre d’une croix formée par quatre galeries à quadruple colonnade, dont les bras égaux se raccordent, par des portiques, d’un côté aux flancs de la tour du sanctuaire, et de l’autre aux faces intérieures du cloître carré qui enclôt le troisième gradin. Quatre tours écrêtées se dressent aux angles, reproduisant en plus petit les splendeurs de la fleur de lotus qui s’épanouit au-dessus de la cella.
Quand on sort des péristyles de la deuxième plate-forme, on éprouve une impression violente en voyant surgir devant soi le colossal massif du troisième étage. On croyait toucher au seuil