de subsistance, et ce sont les fléaux naturels qui viennent rétablir l’équilibre.
L’exagération du conservatisme et l’incurie administrative sont en partie responsables de la gravité de ces maux, dont le contre-coup se fait sentir, dans tout le voisinage des zones directement atteintes, par une recrudescence de la piraterie et du brigandage, qui sont chroniques en Chine et deviennent le seul moyen d’existence de beaucoup de pauvres hères ruinés. Toutefois, c’est seulement lorsque les agens du gouvernement, non contens de ne rien faire pour prévenir ou pour soulager la détresse populaire, viennent l’aggraver encore par leur avidité, notamment par l’accaparement des riz en temps de disette, que des révoltes se produisent, comme il y en a eu l’été dernier, en divers points, sur les bords du Yang-tsé-Kiang. En dehors de ce cas où l’autorité se rend directement et manifestement coupable, les multitudes chinoises subissent avec résignation des calamités prévues et considérées comme normales, dont la perspective n’avait pas troublé leur quiétude d’esprit et dont la venue ne les étonne pas. Il est certain que ces hommes n’envisagent pas la mort avec l’angoisse qui s’y attache pour nous.
Les Européens, et surtout les plus civilisés d’entre eux, sont de tous les peuples ceux qui se plaignent le plus de la vie et qui y tiennent le plus. Les hommes d’Extrême-Orient, Chinois aussi bien que Japonais, sont peut-être ceux qui la quittent le plus aisément. L’indifférence à la mort semble être chez eux un caractère presque physique qui provient du peu d’excitabilité de leur système nerveux. À ce dernier sujet, les témoignages sont unanimes : les médecins des hôpitaux européens où sont traités des indigènes, racontent avec stupéfaction comment leurs patiens supportent, sans un cri et sans qu’il soit nécessaire de les anesthésier, les plus douloureuses opérations ; dans l’ordinaire de l’existence, cette absence de nerfs se traduit par la facilité à s’endormir comme à volonté au milieu du bruit et dans une position quelconque, à demeurer dans une immobilité absolue et prolongée, inconnue des Occidentaux, à attendre indéfiniment sans donner jamais signe d’impatience. Le revers de la médaille, c’est que ces gens, si indifférens à la douleur pour eux-mêmes, le sont aussi pour les autres, qu’ils assistent aux souffrances de leurs semblables comme à un spectacle sans essayer de les soulager, sans même leur montrer la moindre sympathie. L’horrible coutume