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définitivement l’ordre de succession au Caire, autorisait le Khédive à faire des lois et règlemens intérieurs, à conclure des conventions douanières et traités de commerce, à négocier des emprunts, à fixer l’effectif de ses troupes : une dernière disposition rappelait que l’Égypte devait tous les ans remettre à la Porte le tribut de 150 000 bourses[1]. En dépit de ces concessions, qui semblaient de nature à fortifier la situation du Khédive et à améliorer par conséquent celle des finances égyptiennes, l’emprunt ne fut souscrit que pour une faible part ; l’émission en fut suivie d’une baisse générale des fonds publics, de la hausse à Alexandrie des changes sur Paris et Londres, qui s’élevèrent à plus de 1 pour 100 de prime, et d’un discrédit général du pays.

Au début de 1874, le Khédive, sentant venir l’orage, fit passer sur la tête de sa femme et de ses enfans la plus grande partie de ses propriétés, terres, maisons de rapport, palais, ne gardant en son nom que ses sucreries, gage de l’emprunt Daïra de 1870, et environ 100 000 feddans[2] de terre. Avant la chute, on eut toutefois encore un moment de reprise : le gouvernement émit pour 125 millions de francs de titres gagés par le Rouznameh, c’est-à-dire une sorte de caisse de dépôts, qui sert une rente convenue aux déposans, à condition de ne leur rendre jamais les capitaux qui lui ont été confiés. Ce fut l’époque où le Crédit foncier de France s’occupa des valeurs égyptiennes. Son intervention contribua à améliorer, puis à soutenir pendant quelque temps les cours, à abaisser le taux de la dette flottante, si bien qu’en décembre 1874, le syndicat acquéreur de l’emprunt 7 pour 100 de 800 millions de francs, put se dissoudre après avoir placé tous les titres. En janvier 1875, l’escompte des bons Malien à trois mois était tombé à 7 pour 100. Le budget établi, en novembre 1874, pour l’année cophte 1591 (du 10 septembre 1874 au 10 septembre 1875), se soldait avec un léger excédent. Mais, à peine le document publié, le ministre recommençait à émettre des bons du Trésor, à des taux variant entre 10 et 12 pour 100 : ces émissions dépassaient bientôt 200 millions de francs. La faillite de la Turquie, dont les fonds 5 pour 100 furent précipités en quelques semaines de 73 à 24, eut son contre-coup sur les fonds égyptiens, qui, le 17 novembre, étaient cotés 54 à Londres.

C’est alors que fut conclue l’opération célèbre par laquelle le

  1. Une bourse vaut environ 125 francs.
  2. Le feddan représente 4 200 mètres carrés.