et m’a dit : « Ayez confiance en moi, comme j’ai confiance en vous ! » C’est le mot de la fin, le mot solennel, celui qui lie et scelle les engagemens. Le pacte est conclu. Le roi Victor-Emmanuel va pouvoir, par le mariage, réaliser les ambitions séculaires de sa maison.
Avant de terminer son récit, M. de Cavour revient longuement sur le mariage, pour démontrer au Roi qu’il ne se prête pas à une mésalliance. « Le prince Napoléon, dit-il, n’est pas roi assurément, mais il est le premier prince du sang du premier empire du monde ; il n’est séparé du trône que par un enfant de deux ans. D’ailleurs, il faut bien se contenter d’un simple prince, puisqu’en Europe il n’y a ni rois, ni héritiers présomptifs disponibles. Il est vrai que le prince Napoléon n’appartient pas à une ancienne famille souveraine, mais son nom est le plus glorieux des temps modernes ; par sa mère, une princesse de Wurtemberg, il est allié aux plus illustres maisons ; il est le neveu du doyen des rois (le roi de Wurtemberg) et le cousin de l’empereur de Russie ; il n’est pas un de ces parvenus auxquels on ne peut s’allier sans honte. Votre Majesté serait-elle plus tranquille en donnant sa fille à un membre d’une vieille famille ? L’histoire est là pour lui répondre. Sans chercher bien loin, Votre Majesté n’a qu’à se rappeler ce qui s’est passé dans sa propre famille. Son oncle avait quatre filles, modèles de grâce et de vertu ; leur sort a été des plus tristes ; la première a épousé le duc de Modène, universellement détesté ; la seconde, le duc de Lucques, dont il vaut mieux ne pas parler ; la troisième est montée, il est vrai, sur le trône des Césars, mais pour s’unir à un mari impotent et impuissant ; la quatrième enfin, la charmante et parfaite princesse Christine, a épousé le roi de Naples, et Votre Majesté connaît les traitemens grossiers dont elle fut l’objet et les chagrins qui l’ont conduite au tombeau. Ces exemples montrent qu’en consentant au mariage de sa fille avec le prince Napoléon, Votre Majesté lui réserve plus de chances d’être heureuse qu’en la donnant à un prince de la maison de Lorraine ou de Bourbon.
« L’Almanach de Gotha est là d’ailleurs pour prouver que, par des raisons religieuses ou politiques, le choix de Votre Majesté est réduit soit au Portugal, soit à une principauté allemande plus ou moins médiatisée.
« Que Votre Majesté daigne méditer ces considérations, et elle reconnaîtra qu’elle peut, comme père, consentir à un mariage que