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prestement bon marché de la papauté et que de but en blanc il ait offert, sans réserve, au Piémont les Légations et les Marches. Il caressait, sans doute, l’idée d’un vicariat laïque, mais il ne poursuivait pas l’annexion des États du Saint-Siège à la Sardaigne ; il rêvait la transformation du pouvoir temporel et non sa disparition.

On regrette encore que M. de Cavour, trop prolixe sur le chapitre du mariage, se soit montré aussi sobre d’explications sur les questions principales, qu’il n’ait pas mieux fait ressortir la façon dont elles ont été amenées et débattues. On ne peut se rendre compte d’une négociation que par la reproduction en quelque sorte textuelle des paroles échangées, surtout lorsqu’il s’agit d’affaires d’importance, où chaque mot a sa portée et révèle la pensée du négociateur.

À en juger par le rapport du comte de Cavour, il semblerait qu’il n’ait rien sollicité, rien promis, que tout lui ait été spontanément offert. Il se borne à dire « qu’après de longs entretiens sur l’organisation de l’Italie, dont il croit devoir épargner le récit au Roi, on est tombé d’accord sur tous les points. » Il reconnaît toutefois, — il l’oubliera à Villafranca, — que les bases de l’entente ne sont pas absolues, qu’elles sont susceptibles d’être modifiées par les événemens de la guerre. La vallée du Pô, ajoute-t-il, la Romagne et les Légations formeront le royaume de la Haute Italie, sous le sceptre du roi de Sardaigne ; le Pape conservera Rome et sa banlieue ; les quatre États italiens composeront à titre de consolation, sous sa présidence, une confédération à l’instar de la Confédération germanique. » Ce plan, dans son éloquente simplicité, paraît tout à fait acceptable au négociateur piémontais, car, continue-t-il avec désinvolture, « le Roi, étant souverain de droit de la moitié la plus riche et la plus fertile de l’Italie, sera maître de toute la péninsule. »

Il y a un point noir cependant dans ce réjouissant tableau. L’Empereur n’a pas caché qu’il verrait avec plaisir le prince Murat remonter sur le trône de son père. M. de Cavour se garde bien de formuler des objections ; il n’est pas venu à Plombières pour contrarier des idées chimériques, mais pour les caresser, les faire tourner à son profit. Aussi, connaissant le faible de l’Empereur pour la duchesse de Parme, lui propose-t-il spontanément de l’installer d’une manière transitoire au palais Pitti. « Cette idée, observe-t-il, a plu infiniment à l’Empereur, car il attache un