armée dans une partie de la Chine pour entamer une lutte contre une autre portion du pays.
Comparable, par l’étendue et le chiffre de ses habitans, à l’ensemble de l’Europe, la Chine ne serait-elle donc pas plus homogène que le continent où nous vivons ? Existerait-il entre ses diverses provinces autant de différence qu’entre chacun des pays qui constituent notre partie du monde ? Au point de vue géographique et climatologique il est clair que la diversité n’est guère moindre à l’orient qu’à l’occident de l’ancien continent, quoique la Chine propre n’ait pas, sauf sur ses extrêmes frontières de l’ouest, de montagnes très élevées et que les plaines y soient beaucoup plus étendues et plus continues qu’en Europe. Au point de vue ethnique, il semble qu’il soit exagéré de poursuivre l’analogie et que la Chine soit, malgré tout, plus homogène que l’Europe. Les différens pays de notre continent sont habités par des peuples lointainement parens que rapproche seul le lien d’une même civilisation ; entre les divers sujets du Fils du Ciel, il paraît bien que le lien est plus fort et la ressemblance plus accusée. On n’entend naturellement parler ici que des habitans de la Chine propre, des « dix-huit provinces, » auxquelles on peut en ajouter une dix-neuvième, le Cheng-king ou Mandchourie méridionale, presque entièrement colonisée aujourd’hui par les Chinois ; les divers peuples tributaires du Céleste Empire, Mongols ou Tibétains, de même que ses sujets turcs du Turkestan oriental, s’en distinguent profondément, mais, si les dépendances qu’ils habitent couvrent les deux tiers de la surface de l’Empire, ils ne forment guère qu’un vingtième de sa population et n’ont aucune part dans son gouvernement.
Il faut tout d’abord remarquer que l’absence de sympathies entre les indigènes des diverses provinces se retrouvait, il n’y a pas bien longtemps, non pas d’une contrée à l’autre de l’Europe, mais dans l’intérieur d’un même pays et que les diversités de langage n’ont pas encore disparu au sein même des peuples les plus homogènes. L’histoire est pleine des luttes intestines de chaque nation européenne, et il n’y a encore que trente-deux ans que des Allemands se sont, pour la dernière fois, fait la guerre les uns aux autres. J’ai entendu plusieurs fois raconter la mésaventure de deux Célestes, originaires de provinces différentes, ayant l’un et l’autre voyagé en Occident, qui, s’étant rencontrés un jour, ne purent se comprendre qu’en parlant anglais : mais cela ne rappelle-t-il pas