a de sérieuses ; il y en a d’autres qui sont insoutenables à force d’être exagérées. Vouloir empêcher les agens de la puissance conquérante de recommander les produits de leur pays est une prétention excessive. Il y a là une question de mesure, et, si la mesure légitime a été dépassée, il faut y revenir et s’y enfermer ; mais rien ne nous prouve qu’il en ait été ainsi. Vouloir empêcher le gouverneur français de Madagascar d’accorder certaines concessions de préférence à des Français, est une prétention du même genre. Il suffit de regarder ce que font les Anglais dans leurs colonies, et même dans des pays où ils sont sans titre reconnu, pour voir la valeur qu’ils attachent aux prétendus principes dont ils nous imposent l’observation. Il y a donc des différences à faire entre les réclamations anglaises du dernier Livre Bleu ; on ne saurait le contester sérieusement ; mais ce qui est encore moins douteux, c’est que la publication de ce recueil a paru, et a dû paraître inopportune à ceux qui déplorent l’état actuel des rapports entre les deux pays, et qui désirent le voir s’améliorer. Nous dirons, à notre tour, qu’il y a eu là un acte peu amical.
La question est de savoir si le gouvernement de la Reine se propose de persévérer dans la voie où il s’est engagé, et s’il continuera de nous présenter ses revendications sous une forme aussi peu diplomatique. Il y a un ambassadeur français à Londres, il y a un ambassadeur anglais à Paris ; ce sont là les organes naturels des négociations à entreprendre ; pourquoi ne s’en sert-on pas ? A-t-on trouvé une insuffisante bonne volonté chez M. Paul Cambon ? Comment le croire lorsqu’on connaît l’homme, et puisque, d’ailleurs, lord Salisbury ne lui a encore rien dit ? A-t-on à se plaindre des dispositions de M. Delcassé ? Comment l’admettre après les sacrifices qu’il a consentis, les concessions qu’il a déjà faites à Madagascar, et l’assurance qu’il a donnée pour l’avenir de se montrer aussi conciliant que possible ? L’attitude de l’Angleterre à notre égard est d’autant plus inquiétante que rien ne la justifie, ne l’explique même, et que nous avons plus de peine à en démêler les motifs. C’est pour cela que nous demandons qu’on nous les fasse connaître. Le jour ou l’Angleterre aura rétabli ses rapports avec nous dans des conditions normales, tout deviendra facile ; mais, si ce jour se fait attendre, il faut du moins que la faute ne puisse pas nous en être imputée.
FRANCIS CHARMES
Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE.