leurs mains, malgré nos protestations. C’est alors que nous en avons construit, à notre tour, quelques-unes, mais dans la modeste proportion d’une contre cinq. On voit donc que, si les traités ont été violés, ce ne sont pas nos pêcheurs qui en ont donné ni le premier, ni le plus fréquent exemple. Nos empiétemens sont pure légende. On ne saurait en dire autant de ceux des Terre-Neuviens, puisqu’ils ont construit toute une ville sur le French Shore, celle de Saint-Georges, grâce à la tolérance bienveillante que nous leur avons constamment montrée, jusqu’au moment où ils ont porté une atteinte directe à la liberté de notre industrie. Aussi est-ce encore une légende que celle des nombreux conflits qui s’élèveraient entre nos pêcheurs et les colons ; il ne s’en produit pas plus qu’entre les colons eux-mêmes. Les principales difficultés n’ont jamais été sur le French Shore, mais au Parlement de Saint-Jean de Terre-Neuve. C’est là que le gouvernement anglais rencontre une opposition qui le gêne, et des prétentions qui l’intimident. Les difficultés qui se produisent sur place ont toujours été facilement réglées par les marins anglais et français, qui ont le bon esprit de vivre en parfaite intelligence et de donner à ces querelles de pêcheurs l’importance qu’elles méritent. Depuis plusieurs années, nous vivons sur un modus vivendi qu’ils font respecter. Il arrive là, en petit, ce qui est arrivé en grand sur les côtes de Crète, où les marins européens ont continué de s’entendre même quand leurs gouvernemens ne s’entendaient plus ; et, par là, ils ont épargné à ceux-ci de plus graves désagrémens.
Mais nous ne voulons pas traiter complètement la question de Terre-Neuve : la place nous ferait défaut. Il suffit de dire que, toutes les fois que le gouvernement anglais en a causé avec nous, il nous a trouvé prêts à transiger. Les Terre-Neuviens auraient intérêt, dit-on, à pouvoir disposer d’une partie de leurs côtes, située sur le French Shore, pour l’exploitation de leurs mines ; mais nous sommes-nous jamais montrés réfractaires à cet intérêt ? En novembre 1885, nous avons conclu avec l’Angleterre un arrangement en vingt articles, où toute satisfaction légitime leur était donnée. L’article II en était ainsi conçu : « Le gouvernement de la République française s’engage……… à n’élever aucune protestation contre la création des établissemens nécessaires au développement de toute industrie autre que celles de pêcheries… ; » et l’article III ajoutait : « Dans le cas où une mine serait découverte dans le voisinage d’une des parties du littoral comprises dans l’état annexé au présent arrangement, le gouvernement de la République française s’engage à ne point s’opposer à ce que les