avec l’Angleterre, comment nous traitons avec elle lorsqu’elle met la conversation sur un objet qui la touche, enfin quel esprit, au moins de notre côté, préside à ces négociations. Celle-ci peut servir d’exemple.
Notre droit de pêche sur la partie des côtes de Terre-Neuve que l’on appelle le French Shore date du traité d’Utrecht, en 1713, et il a été depuis confirmé et précisé par plusieurs instrumens diplomatiques, notamment par le traité et les déclarations de Versailles, en 1783. L’article 13 du traité d’Utrecht nous attribue le droit de pêcher le poisson dans une partie des eaux de Terre-Neuve, et de le sécher sur un territoire d’une certaine étendue. Nous pouvons, pour remplir ce dernier objet, construire des échafauds et des cabanes, à l’exclusion de tout autre bâtiment qui aurait un caractère permanent. D’autre part, les habitans de Terre-Neuve sont tenus de ne rien faire, sur le French Shore, qui soit de nature à gêner nos pêcheurs dans l’exercice de leur profession. S’il nous est interdit d’élever sur la côte autre chose que des constructions volantes et provisoires, la même interdiction s’applique à eux. Nous reconnaissons volontiers que ce sont là pour Terre-Neuve des servitudes assez lourdes, et qui le sont devenues davantage avec le progrès des années et les développemens de la colonie. Celle-ci, au lieu d’avoir accès à la mer sur une partie de ses côtes, en est en quelque sorte coupée et isolée par le French Shore, ce qui autrefois n’avait pas pour elle grand inconvénient, car elle existait à peine, mais ce qui en a davantage aujourd’hui : nous sommes trop sincères pour le nier.
Il y a dix ans, dans une conversation avec notre ambassadeur, M. Waddington, lord Salisbury résumait la question comme il suit : « Au fond, la difficulté vient des modifications profondes que le cours des années a introduites à Terre-Neuve. À l’époque du traité d’Utrecht, d’où découlent les droits de la France, le French Shore était un désert, et, pendant de longues années, vos pêcheurs ont pu poursuivre leurs opérations sans entrer en conflit avec la population indigène. Depuis quelque temps, il n’en est plus de même. La population de la colonie a beaucoup augmenté ; elle cherche des débouchés sur la côte ; elle veut exploiter les ressources minérales et autres du pays, et partout elle se trouve en présence de vos droits et de vos prétentions. Ainsi, au siècle dernier, personne ne songeait aux homards, ni aux gisemens miniers. Le traité d’Utrecht n’a pas prévu et ne pouvait pas prévoir le développement de nouvelles industries sur cette côte inhospitalière. Il me semble donc qu’il y aurait intérêt pour les deux pays à déterminer de nouveau leurs droits respectifs, tels qu’ils ont été modifiés par la