et nous l’avons réalisée. Le gouvernement de la Reine a refusé alors tout échange de vues préalable. Évacuez d’abord, disait-il ; nous verrons ensuite. Mais il laissait entendre qu’ensuite, il se montrerait accommodant. On voit ce qui en est advenu. La seconde raison est que nous n’avons rien à demander à l’Angleterre. Si elle est, ou plutôt puisqu’elle est à notre égard dans une autre situation, qu’elle parle, nous écoutons. Mais en vain. On semble attendre de nous des explications. Mon Dieu ! nous voulons bien en donner : mais sur quoi ?
Serait-ce sur Terre-Neuve ? Il y a quelques jours encore, les Anglais parlaient bruyamment de Terre-Neuve. Terre-Neuve était leur préoccupation dominante. Les journaux français ont mis un empressement peut-être excessif à traiter à leur tour la question, et ils l’ont fait dans un sens si conciliant, qu’on a bien voulu, de l’autre côté de la Manche, reconnaître nos bonnes dispositions. Parfois même, chez nous, on a dépassé la mesure, tant on se montrait désireux d’écarter un sujet de mésintelligence avec l’Angleterre. Celle-ci nous en a-t-elle su le moindre gré ? En vérité, il ne semble pas. C’est au moment même où cette question paraissait en voie de solution amiable, qu’on a soulevé celle de Madagascar, comme pour jeter un aliment nouveau dans un feu qui menaçait de s’éteindre. Mais enfin, sur cette question de Terre-Neuve, avons-nous, les premiers, quelque chose à dire ? Est-ce de la France qu’on est en droit d’attendre une initiative ? Non, et cela encore pour deux motifs. Le premier est que nous avons à Terre-Neuve un droit incontestable, et que, si l’on veut que nous lui donnions une forme nouvelle, il faut au moins nous le demander. La seconde est que, dans notre désir d’épargner à l’Angleterre, avec sa colonie, des embarras dont elle exagérait d’ailleurs l’importance, à deux reprises, depuis quelques années, nous avons conclu un arrangement avec elle pour résoudre le problème, d’abord par une entente directe, ensuite par voie d’arbitrage. Si l’Angleterre en est restée là, est-ce notre faute, et qu’a-t-elle à nous reprocher ?
Nous ne savons plus aujourd’hui l’intérêt que l’opinion britannique attache à la question de Terre-Neuve, cet intérêt ayant manifestement diminué à mesure que nous nous montrions mieux disposés à en tenir compte. Peut-être nous dira-t-on à Londres : — Que nous parlez-vous de Terre-Neuve ? Il s’agit maintenant de tout autre chose : personne n’y pense plus ! — On tenait hier un autre langage. Quoi qu’il en soit, nous dirons quelques mots de cette affaire, non parce qu’elle présente à nos yeux une importance exceptionnelle ; mais parce qu’elle nous permet de montrer quel est le caractère habituel de nos rapports