Angleterre un mécontentement de plus en plus vif ? Pourquoi l’a-t-on même fomenté et s’applique-t-on encore à l’entretenir, loin de rien faire, ou même de rien tenter pour le dissiper ? Pourquoi menace-t-on sans cesse, sans s’expliquer jamais ? Il est vrai que le gouvernement anglais vient de publier, sur Madagascar, un Livre Bleu, qui énumère contre nous un certain nombre de revendications ; nous y reviendrons dans un moment. Mais il est impossible de croire que cette publication, au moment où elle s’est produite, soit venue d’un bon sentiment. Lorsqu’une négociation est pendante entre deux gouvernemens, il n’est pas d’usage d’en saisir brusquement le public, et de le solliciter en quelque sorte à y intervenir : il ne peut le faire qu’avec ses préjugés et ses passions, et c’est bien à ses passions et à ses préjugés qu’on semble faire appel. Cette conduite se comprendrait, si nous avions montré une mauvaise volonté irréductible ; mais sommes-nous dans ce cas ? Non, assurément. Les principales réclamations de l’Angleterre, à Madagascar, portaient sur deux questions distinctes : celle des tarifs douaniers et celle du cabotage. Sur la première, M. Delcassé a annoncé qu’il se montrerait aussi conciliant que possible ; sur la seconde, il est allé plus loin, ou plus vite, il a donné pleine satisfaction au gouvernement anglais en retirant un décret du gouverneur général de Madagascar, qui attribuait au pavillon français le monopole du cabotage sur les côtes. C’est le lendemain de cette concession et peu de jours après la promesse d’une étude sérieuse et bienveillante de la question des tarifs, que lord Salisbury a publié son Livre Bleu. Il a répondu à un bon procédé par un autre qui l’était moins. Croit-il que de pareils moyens soient propres à ramener le calme dans les esprits ? Pour atteindre un but si désirable, il faut prendre un chemin différent. Au lieu de jeter dans le public, comme des brandons de discorde, des questions qui ne sont pas encore résolues, il faut les résoudre, ou du moins l’essayer loyalement. Le gouvernement anglais n’en a rien fait, et, chose plus inquiétante, il ne paraît même pas disposé à le faire. Qu’attend-il ? Nous sommes prêts à négocier avec lui quand il voudra et comme il voudra, à prendre les questions qui l’intéressent en détail ou en bloc, une à une ou dans leur ensemble. Le jour où il entamera une conversation diplomatique, au lieu de faire des manifestations pour les journaux et pour les clubs, nous serons prêts à lui répondre. Mais quand ce jour viendra-t-il ?
On ne peut pourtant pas nous demander de parler les premiers, et cela pour deux raisons. La première est que nous avons parlé, et même agi les derniers. Nous avons annoncé l’intention d’évacuer Fachoda,