la santé, du bien-être, de la tranquillité de chacun d’entre eux. « Nous sommes désolés de te savoir souffrante, écrit-il à sa sœur le 28 août 1837. Je sais que souvent, dans cette saison de la moisson, se produisent chez nous des cas de ce qu’on appelle le choléra anglais : c’est de cela, sans doute, que tu auras été prise. Le seul remède est de veiller à ce que l’on mange, de vivre beaucoup à l’air, et d’éviter le froid, surtout le froid aux pieds. Les pommes de terre nouvelles sont souvent dangereuses. » À sa mère, le 8 janvier 1842, il écrit : « Ne manquez pas de me dire comment vous allez, quels vêtemens vous portez, et si vous faites du bon feu. Une cruche chaude dans le lit, pour la nuit, est indispensable. Vous avez des livres à lire, de menus ouvrages à faire : ayez soin de vous tenir tranquille au coin de votre feu jusqu’à ce que le soleil reparaisse. » Et de nouveau, le 10 mars 1844 : « Je pense sans cesse à ce que devient ma bonne vieille mère par ces temps de vent et de pluie. C’est bien sûr, — n’est-ce pas ? — que vous faites de bons feux, à Scotsbrig ? C’est bien sûr que vous portez votre nouvelle pelisse ? Mais ce que vous négligez toujours, et que vous ne devriez pas négliger, c’est votre régime. Je crois que vous ne devriez manger que de la volaille. Un poulet est toujours chose excellente à manger. Partagez-le en quatre morceaux : cela vous fera un bouillon et de la viande pour quatre jours entiers. » Mrs Hanning étant allée rejoindre son mari au Canada, en 1853, Carlyle se préoccupe du climat de ce pays, et du régime que l’on doit y suivre : ses lettres à sa sœur sont de véritables consultations médicales. « Une chose est fort importante, au Canada : c’est d’habiter une maison un peu élevée, et bien exposée au vent. Il faut aussi avoir des doubles fenêtres en hiver, et tenir votre maison propre comme une épingle neuve : mais, au fait, ce dernier conseil est inutile, puisque tu l’auras suivi d’instinct, étant la petite femme la plus propre de nos cinq paroisses ! » Et voici encore la dernière lettre de Carlyle à sa sœur, datée du 2 janvier 1873 ; le vieillard, à ce moment, avait déjà la main droite à demi paralysée : « Ma chère sœur Jenny, Je me plais à penser que tu accepteras de moi ce petit cadeau de nouvel an, comme un signe de ma fidèle affection, qui, bien qu’elle soit désormais condamnée à rester muette (car je ne puis plus écrire comme jadis), ne faiblira pourtant pas aussi longtemps que je vivrai. De cela sois toujours bien sûre, ma chère petite sœur, et crois bien que, si je puis t’être de quelque service en quelque chose, ce sera toujours un bonheur pour moi. Mais en voilà assez pour cette main infirme, ma chère sœur Jenny : rien de plus, sauf ma bénédiction, de tout mon cœur, pour l’année et pour la vie ! »
Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/470
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.