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n’a été que l’occasion à la suite de laquelle Mme de Girieu et M. Chantrel s’aperçoivent qu’ils n’ont pas cessé de s’aimer. Ils se le disent. Ils récriminent. Ils déplorent le passé. Ah ! pourquoi m’avez-vous trompée ? Ah ! pourquoi ne m’avez-vous pas pardonné ? C’est une autre pièce qui commence, dans laquelle une femme divorcée et remariée se rend compte avec effroi qu’elle aime toujours celui dont l’éloignent maintenant son devoir, les convenances et jusqu’à la crainte du ridicule. Pièce sans issue, comme sans développemens possibles et dont toutes les situations sont, peu s’en faut, choquantes. Situation d’une femme entre deux hommes, dont l’un est âgé et ne lui a jamais plu : elle préfère le jeune. Situation des deux hommes mis en présence, comme il convient, dans la scène prévue et attendue. M. Chantrel, de qui vient tout le mal, plaide avec force la cause de l’indissolubilité du mariage ; et nous nous demandons d’où il le prend pour parler de si haut. M. de Girieu, qu’on renvoie assez lestement chez lui et qu’on eût mieux fait de ne pas déranger, puisqu’on devait finalement le congédier, se plaint non sans de bonnes raisons ; mais il est quand même dans l’attitude de celui dont on ne veut pas : il est le gêneur. Tout cela est incohérent et inconsistant. Depuis longtemps nous ne songeons plus au berceau. La question du divorce se débat entre les divorcés. L’impression avoisine le comique.

Le Berceau a reçu un accueil contradictoire. À la répétition générale, le public a ri avec irrévérence. À la première représentation, il a applaudi avec conviction. « C’est qu’à la première, il y avait moins d’amis, » s’il faut en croire le joli mot que la chronique prête à M. Brieux. L’explication est trop facile pour être complètement satisfaisante. Nous en avons suggéré une autre : c’est que le Berceau est une pièce mal faite. Notons d’ailleurs que sur une demi-douzaine de pièces qu’a fait représenter M. Brieux, il n’en est pas une qui se soit imposée de haute lutte à l’opinion et qui porte en elle ce caractère d’une œuvre où l’auteur a fait pleinement ce qu’il voulait faire. L’impression qui se dégage de ces pièces, presque toutes intéressantes, n’est pas franche. Il faut que cela tienne à quelque cause. Il y a un « cas » de M. Brieux, et il mérite d’être examiné ; car M. Brieux est l’un des auteurs qui, en ces dernières années, sont le plus brillamment sortis du rang. Il s’est fait une belle place parmi les fournisseurs de théâtre qu’a produits la jeune génération. Il la doit à un ensemble de qualités des plus estimables. Il a d’abord la fécondité : et, à coup sûr, ce n’est pas au nombre des ouvrages que s’apprécie la valeur d’un écrivain ; néanmoins c’est quelque chose d’avoir fait preuve de mouvement d’esprit et de