Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle ne vaut ni plus ni moins qu’une autre, ou plutôt qu’elle ne peut valoir que par ce qu’on a mis autour.

Ce qu’on a mis autour, ce sont d’abord quelques personnages qui ne sont ni nécessaires, ni utiles à l’action engagée, qui n’y tiennent même par aucun lien et qu’on n’a donc mis là que pour le plaisir de nous les montrer. Ils ne sont pas jolis à voir, et nous ne les avons déjà vus que trop souvent ; mais ils sont essentiels au genre. Ce sont, par exemple, les figurans de ce qu’on appelait jadis le ménage à trois, et qui est devenu, par le progrès des temps, le ménage à quatre. Mme Mairieux trompe son mari avec le jeune Raymond ; M. Mairieux trompe sa femme avec une actrice : Adèle Sorbier ; comme Raymond a jadis été l’amant d’Adèle Sorbier et est resté bon camarade avec elle, elle le tient au courant des faits et gestes du mari ; ainsi, quand Mairieux déjeune chez Adèle Sorbier, Mme Mairieux peut en toute sécurité déjeuner avec Raymond. « Je trouve ça répugnant, » opine Georgette Lemeunier. Voici encore l’avoué à la mode, évoluant allègrement au milieu d’un monde dont il est mieux placé qu’un autre pour connaître les compromis. Il se fait à l’occasion le théoricien d’une morale de complaisance : « Nous vivons à Paris, au milieu d’une société effroyable et dans un temps où l’on ne croit plus à rien. Nous sommes en contact perpétuel avec des gens hypocrites ou cyniques, menteurs, voleurs, vicieux, et même avec de véritables bandits, et nous devons faire bonne mine aux canailles, parce qu’après tout nous ignorons ce qu’ont fait les honnêtes gens. » Ajoutez le couple Sourette et divers comparses. Ce sont là pour nous d’assez vilaines connaissances ; mais ce sont, pour qui fréquente un peu les théâtres, de vieilles connaissances. Nous sommes si habitués à voir ces types à la scène, que nous ne nous étonnons pas de les y retrouver. L’étonnement commencerait si nous avions l’imprudence de réfléchir. Car il se peut que Lemeunier, victime d’un accès de snobisme, se laisse entraîner dans un milieu qui représente pour lui la haute vie. Mais que Georgette Lemeunier, qui est une honnête femme, pleine de bon sens, de clairvoyance et de volonté, ait pour amie une Mme Mairieux et qu’elle laisse chez elle causer sur le même ton qui est celui du salon de Mme Sourette, voilà ce qui est inadmissible. Seulement ici il ne faut pas réfléchir.

De même il ne faut pas demander compte aux gens de ce qu’ils disent et chercher si leurs propos ont quelque rapport avec leur situation et les sentimens qu’ils devraient avoir. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il s’agit pour eux de faire de l’esprit. Ils en font tous ; les petites filles de quatorze ans elles-mêmes ne sauraient offrir aux messieurs