est bâtie de granit rouge que rehaussent sur les côtés des pierres piquées de granit blanc ; une étoile centrale de marbre orange rayonne dans le vestibule sur un carrelage de marbre noir ; l’escalier, tendu de tapis, mène à deux étages de chambres, fort vastes et fort hautes, lambrissées, parquetées et cirées, avec un revêtement intérieur de châtaignier verni, des armoires sculptées et des cheminées, dont l’une en marbre blanc surmontée d’une glace à biseaux.
Mais c’est à Cordouan surtout que ce souci d’art, peut-être excessif, s’est déployé dans toute sa pompe. Il est vrai que la partie inférieure du phare date de la fin du XVIe siècle. Cette partie rappelle dans son ornementation et sa forme les églises en rotonde de la Renaissance française : le portail éclate de surcharges ; le premier étage est occupé par une chapelle la plus élégante du monde, de style corinthien, avec deux rangs de fenêtres et une voûte en plein cintre ; au-dessus de la porte, on a logé le buste de Louis de Foix, le célèbre architecte auquel Philippe II confia plus tard la construction de l’Escurial et à qui sont dus les plans du phare de Cordouan. Seule, la partie supérieure du phare est d’exécution récente. L’ancienne tour, en forme de pavillon circulaire, voûté et décoré de pilastres composites et couronné sur son entablement par la balustrade à jour d’une galerie extérieure menant dans la lanterne, a été remplacée par une grande colonne nue dont la sécheresse contraste avec la richesse des soubassemens, mais qui porte l’appareil focal d’un élan à soixante-trois mètres au-dessus du sol.
Tel quel, cet Abraham des phares français, comme on l’a surnommé, reste encore un beau monument et qui regagne en hardiesse ce qu’il a perdu en ornementation. On y peut saisir mieux qu’ailleurs, et par cette juxtaposition des deux styles, le principe qui domine actuellement dans la construction des phares et qui est celui de la solidité, de la stabilité, d’une forme rationnelle et d’une distribution judicieuse. Ce principe, que M. Léonce Reynaud a fini par faire prévaloir, n’a pas été admis du premier coup. On reconnaît aujourd’hui, avec l’éminent ingénieur, que les phares « ne sont pas des œuvres de luxe, mais des édifices d’utilité publique, et qu’il convient d’autant mieux de leur conserver ce caractère, avec toute la simplicité qu’il comporte, que la plupart d’entre eux sont établis loin de tout centre de population. » L’ordonnance générale de la construction s’est ressentie la première