de forme réglementaire, grossièrement colorié, avec le nom du propriétaire sculpté au couteau sur le couvercle, et renfermant les mille petits objets que nécessite un déplacement prolongé : fil, aiguilles, bas de laine, chaussettes, vieux journaux, etc., pêle-mêle avec du pain frais, du biscuit, du lard, des choux, des carottes, de l’huile, du café et quelques litres de vin ou de bière (les pommes de terre sont à part dans un sac). Cette vérification, soigneusement faite par le conducteur des ponts et chaussées, a pour but de s’assurer que le gardien a bien pris la quantité de provisions indiquée par le règlement et qu’il ne dissimule dans sa cantine aucun alcool. L’État, en effet, accorde une indemnité de vivres aux gardiens des Isolés ; mais il leur laisse toute liberté de s’approvisionner à leur guise et, si médiocre que soit cette indemnité (450 francs environ pour les phares où la durée du séjour est la plus longue ; 250 francs pour les phares où elle n’est que de trente jours), ces braves gens trouvent encore le biais pour économiser sur leurs frais de nourriture. Quant à l’interdiction de l’alcool, elle s’entend de soi : l’assiduité, la vigilance qu’on réclame des gardiens, les graves responsabilités qu’ils encourent, exigent qu’on leur ôte toute occasion, tout prétexte d’un manquement. Divers accidens sont venus montrer la nécessité de cette interdiction, qui est de date récente : il y a cinq ans, au Grand-Léjon, un des gardiens, qui était ivre et rôdait dans la galerie extérieure, prit le cartahut pour la main courante de l’escalier et tomba dans le vide. Ce fut miracle s’il ne se cassa qu’une jambe. En général, du reste, le gardien de phare est sobre. « Nos hommes ne font même pas la noce à terre, me disait un conducteur des ponts et chaussées. Dans le service, ils boivent de la piquette, un peu de café. » La cuisine est commune, mais chacun a sa chambre. C’est le plus souvent un réduit de quelques mètres, tout pareil à une cabine de navire et où l’on a pu loger exactement un lit de fer, une commode et une chaise. Mais le lit est avenant sous son rideau de cretonne à fleurs ; le parquet ciré ; les murs, qu’une cloison isolante en briques préserve de l’humidité, peints à l’huile ou glacés d’enduits hydrofuges. Dans les phares plus anciens, et quand la place n’était pas trop mesurée, que la colonne pouvait s’encastrer dans un corps de bâtiment, ces chambres de gardiens offrent quelquefois un luxe véritable. Témoin le phare des Triagoz, où apparaît un souci d’art et de confort très évident ; la tour carrée et crénelée, de style gothique,
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