suite aux extrêmes, et l’inconvénient d’un pareil régime, appliqué en terre ferme, ne tarda pas à se faire sentir. Finalement, on adopta un moyen terme qui consistait à disposer les logemens « de manière qu’ils fussent indépendans les uns des autres et complètement en dehors de la partie de l’édifice qui est consacrée au service public. »
J’ai pu voir, à Planier même, et dans des conditions que l’éloignement de tout centre habité et la faible surface de l’îlot rendaient plus frappantes, les excellens effets de ce régime mitoyen. Les gardiens de Planier sont au nombre de six, dont un à terre. Les familles des gardiens habitent avec eux. Chaque ménage dispose de deux pièces avec entrée spéciale, d’un grenier et d’une petite cour. Une grande cour banale règne devant les bâtimens, protégée par un mur circulaire et flanquée, à droite, par le phare neuf, colonne isolée de cinquante-neuf mètres de haut, à gauche, par le vieux phare, petite tour ronde et blanche, à créneaux et à fenêtres ogivales, par les installations du pluviomètre, du thermomètre et des instrumens servant à mesurer la densité de la mer. Cette cour, sablée de gravier, fait office de forum, en même temps que de communal et de préau. Les gardiens l’ont meublée de petits poulaillers en planches, de clapiers et de pigeonniers. Mais tous leurs efforts pour y introduire un peu de verdure sont restés inutiles. On avait rassemblé un peu de terre contre le pignon d’un des logemens et, dans cette terre, gardée par un muret de ciment, planté un tamaris dont la pâle verdure égayait la froide blancheur du rocher : le tamaris n’a pu résister au vent. Grande tristesse pour les exilés ! Il n’y a pas une plante, pas une herbe, sur Planier. Dans le jour, l’astiquage et le briquage terminés, les hommes s’occupent à la pêche : l’encornet, qu’on prend au moyen d’épingles à émérillon repliées autour d’un chiffon rouge, donne surtout en été. On fait aussi la pêche avec des nasses amorcées de têtes de « bogos » et de sardines. Cependant les femmes cousent, tricotent ; les enfans jouent. L’été encore, les chalutiers de Marseille se réunissent autour de Planier : à la nuit tombante, eyssaugues et tartanes rallient l’un des petits ports naturels de l’écueil ; chalutiers et gardiens fraternisent. Mais la grande distraction des exilés, c’est la visite du côtier, petit vapeur faisant la relève des phares tous les dix jours et qui les ravitaille de légumes, de pain frais et d’eau douce. À peine le vapeur signalé, toute la population féminine