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l’Europe une vingtaine de phares, et quelques-uns seulement pourvus de lampes à réflecteurs. Le nombre des feux français était déjà de 30 en 1817 (10 grands phares et 20 fanaux). Il était de 59 à la fin de la Restauration ; de 169 (dont 37 de premier ordre) en 1858 ; de 690, y compris l’Algérie et la Tunisie, au 1er janvier 1895. Dès 1819, Fresnel substituait aux anciens réflecteurs paraboliques ses lentilles grossissantes à échelons ; Argand, Quinquet, Carcel, apportaient aux lampes d’ingénieux perfectionnemens. L’année 1863 voyait la première application, au phare de la Hève, des éblouissantes clartés de l’arc voltaïque. L’intensité lumineuse du nouvel appareil, qui atteignait primitivement 6 000 becs Carcel, passait, en 1881, au phare de Planier, à 127 000 becs. M. Allard inspecteur général des ponts et chaussées, obtenait peu après à Barfleur, à Ouessant et à Belle-Isle une intensité de 900 000 becs. Ce dernier chiffre semblait un maximum. On pensait s’y arrêter, quand M. Bourdelle, en imaginant de ramener à quatre les lentilles de réfraction, sextupla d’un coup, au phare de la Hève, le rendement de l’appareil focal.

L’éclairage, en bien des cas, n’est cependant qu’une partie de la science des phares. La physique ici doit porter sur la mécanique : il faut une base résistante à ces puissans foyers lumineux, suspendus quelquefois à 70 et 80 mètres de haut. Rien de plus aisé, quand le problème se pose sur le continent. Quand il se pose en pleine mer, dans le grand vent et la houle, sur des écueils de quelques pieds carrés, c’est une autre affaire. Fonder l’absolue solidité dans l’élément le plus instable, dans l’agitation perpétuelle, telle est la donnée à résoudre, et ce n’est point trop, pour y réussir, de toutes les ressources de la construction moderne. Elle y parvient, mais à quel prix ! Ne sortons point de France. Laissons de côté les phares méditerranéens de pleine mer, bâtis pour la plupart sur des îles d’une certaine étendue (phares du Titan, de Porquerolles, du Grand-Ribaud, du Grand-Rouveau, etc…). Planier même, sur son écueil, reste accessible, de bonne composition. Le roc, ici, est presque à ras de mer ; mais la Méditerranée n’y a pas les brusques mouvemens de bascule, les profondes poussées équinoxiales de l’Atlantique et de la Manche. Le plateau n’est jamais couvert ; les chantiers y pouvaient être établis à demeure ; la construction n’a subi aucun temps d’arrêt ; nul besoin de surélever les logemens des gardiens et la chambre des machines : un mur suffit à les garantir des lames.