Au Nord, le clergé séculier trouvait dans le nombre et le zèle des ordres monastiques un précieux secours ; mais, au Midi, la vie monacale était loin d’avoir la même intensité : là, les couvens étaient rares et l’ignorance la plus honteuse y régnait. La Renaissance littéraire à laquelle Charlemagne et Alcuin ont attaché leur nom, et qui fut plus exactement un relèvement des études grammaticales, philosophiques et théologiques, n’y avait fait presque aucunement sentir ses effets. Les monastères méridionaux, du IXe au XIe siècle, étaient à peu près dans l’état de misère intellectuelle où l’on avait vu végéter ceux du Nord, du Ve au IXe ; les bibliothèques y étaient clairsemées autant que pauvres, et on se préoccupait peu de les alimenter ; aucun article des règlemens n’obligeait les moines à copier ; aussi ne nous reste-t-il presque aucun manuscrit d’origine méridionale datant de cette époque : il semble que, du IXe au XIIe siècle, on n’ait pas écrit dans les couvens du Midi. Si les moines ne s’inquiétaient pas de propager les livres de théologie ou de liturgie destinés à leur propre usage, ils songeaient beaucoup moins encore à écrire pour le peuple : un fragment d’un poème sur Boèce, quelques vers d’une Vie de sainte Foi, voilà de quoi se compose toute la littérature hagiographique en langue d’oc antérieure au XIIIe siècle, tandis que le Nord de la France, et plus encore l’Angleterre, alors française de langue et de mœurs, peuvent opposer à cette production misérable des œuvres imposantes tant par leur nombre que par leur étendue, et dont plusieurs ont une très grande valeur littéraire.
La production scientifique n’est guère plus abondante : alors que presque chaque monastère du Nord tenait à honneur de rédiger ses annales, c’est à peine si on trouverait au Midi une demi-douzaine de chroniques dignes d’être mentionnées. Quant aux centres d’études séculières, ils faisaient totalement défaut : la première en date des Universités méridionales est celle de Toulouse (1231) : or, sa fondation suivit immédiatement le triomphe des croisés et sa destination principale fut de combattre l’hérésie. Ne nous étonnons donc point qu’Adhémar de Chabannes ait pu dire, dans les premières années du XIe siècle, qu’un homme sachant quelques bribes de latin passait aisément, au sud de la Loire, pour un Cicéron ou un Virgile.
L’ignorance du clergé a presque toujours pour conséquence le relâchement dans ses mœurs. Nous ne voulons pas multiplier les faits et nous bornerons à montrer, par quelques exemples