à se glisser, sous la plume de notaires ignorans, dans les actes publics. Quant à l’influence de la poésie arabe, dont on a beaucoup parlé au temps où les aperçus généraux tenaient lieu de l’étude attentive des faits, il devient de plus en plus vraisemblable que c’est une pure légende. Les Sarrasins, définitivement expulsés de notre sol à la fin du Xe siècle, n’y possédaient plus, depuis environ cent ans, que de rares postes militaires, disséminés sur quelques points de la côte : pouvait-il y avoir là un foyer d’influence littéraire ? C’est aux VIIIe et IXe siècles seulement qu’ils entretinrent quelques rapports avec les populations de la Septimanie et de la Provence. La poésie populaire d’alors leur a-t-elle emprunté quelques thèmes, quelques motifs ? C’est ce qu’il est impossible de dire, puisque de cette poésie il n’est pas resté un seul vers. Chrétiens et musulmans ne reprendront plus contact qu’aux croisades, à la troisième notamment ; or, dès l’époque de la première, il est infiniment probable que la littérature provençale était constituée dans ses grandes lignes.
L’apparition de la poésie dans la France méridionale au XIe siècle n’a donc rien de commun avec les divers phénomènes littéraires que l’on qualifie ordinairement de « Renaissances. » À l’origine de ceux-ci il y a toujours une influence extérieure, que ce soit, comme à Rome au premier siècle, celle de la littérature grecque, comme en Italie au XIVe, celle de Rome, comme en France au XVIe, celle de l’Italie combinée avec celle des littératures classiques. Ici on ne voit d’aucun côté percer le moindre rayon de soleil étranger.
Que reste-t-il donc, sinon de conclure que cette littérature est sortie tout entière du milieu où nous la voyons se développer, qu’elle est le produit spontané d’un concours de circonstances que l’histoire devra un jour essayer de déterminer nettement ? Dans ces circonstances, faut-il faire une part, et laquelle, au climat, à la race ? Faut-il se borner à interroger les institutions, les mœurs, l’état économique, politique, social du pays ? Mais ces mœurs, ces institutions n’étaient pas sensiblement différentes sur beaucoup d’autres points du domaine roman : pourquoi des germes, déposés sans doute pareillement ici et là, avortent-ils ici, et là produisent-ils une si surprenante moisson ? On voit l’importance de ce problème pour l’histoire générale des littératures.
Intéressante dans ses origines, la littérature provençale ne l’est pas moins dans son développement, dont l’histoire est féconde,