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présente, sont de notre race. L’apostolat est une semence française que la foi transporte par toute la terre, que les sols incultes attirent, et qui féconde leur stérilité. Le jour où s’épuiserait l’apostolat français, le catholicisme aurait perdu ses moissonneurs d’âmes dans les pays infidèles.

La différence d’aptitude entre les deux races, voilà le fait certain, permanent, essentiel qui domine et d’avance résout ce conflit de protectorats.

Il serait vain de nier que l’Allemagne a un grand prestige, des institutions fortes et un souverain capable de suivre, avec une persévérance habile, de vastes ambitions, même religieuses. Il est plus incontestable encore que la France n’est aujourd’hui intacte ni dans son territoire, ni dans son unité morale ; que ses maîtres, depuis longtemps, ont abandonné la tradition et perdu le sens catholiques. Il est évident enfin que l’Allemagne doit à son gouvernement sa puissance militaire, son unité, son hégémonie en Europe ; et la France à ses gouvernemens ses défaites, ses humiliations extérieures, ses luttes intérieures, son déclin dans l’opinion. Si le protectorat était une de ces affaires qui dépendent de la politique, il y aurait pour les Allemands beaucoup à espérer et pour nous beaucoup à craindre.

Mais précisément l’influence religieuse est une des choses que les gouvernemens ne gouvernent pas. Elle n’existe que là où les dons de la race établissent et perpétuent une propagande efficace et conquérante. Ces dons ne grandissent pas dans les âmes, plus que la foi, à la volonté de l’État. L’État peut transformer l’apostolat religieux en influence politique ; il ne peut, par son influence politique, créer un apostolat. Son art se borne à favoriser l’écoulement de ces eaux fécondantes ; leur source est à des hauteurs où il n’atteint pas. Une expérience contraire et également concluante la montré aux deux peuples qu’on voudrait faire rivaux. Les passionnés efforts de Guillaume II pour susciter des missions catholiques ; les avantages qu’assurait à leurs débuts la puissance de l’Empire ; la concession d’une province délivrée en Chine par le Saint-Siège lui-même aux missionnaires de race germanique et le devoir ainsi contracté d’y porter l’Évangile ; les faveurs manifestes accordées à Mgr Anzer, chef de l’ordre unique et peu nombreux qui exerce cet apostolat national, ont vainement sollicité depuis plus de dix ans les vertus et les énergies allemandes. La race ne se sent pas de vocation pour ces œuvres.