après avoir lutté. Tandis que, lui excepté, dans la maison des Hohenzollern, l’égoïsme n’a pas connu ces courtes luttes contre la conscience, et qu’il est la conscience même des princes.
Mais le souverain eût-il un désir noble, désintéressé et tutélaire de protectorat, ce protectorat trouverait des obstacles permanens dans la nation elle-même. D’abord l’Allemagne est divisée en deux grandes masses, les protestans et les catholiques. Cette division, qui semble à Guillaume II une force, est en réalité une faiblesse. En donnant prétexte à briguer deux protectorats, elle enlève le moyen d’en exercer aucun. S’il n’y a pas de protectorat véritable sans une foi religieuse dans la nation protectrice, si cette foi seule associe efficacement la mère patrie aux besoins, aux triomphes, aux épreuves de ses colonies religieuses, l’ardeur, la continuité et l’étendue de l’action doivent être d’autant plus grandes que la nation est plus unanime dans sa croyance. Les deux peuples dont l’influence religieuse rayonne le plus, la Russie et la France, sont deux peuples préservés des dissidences confessionnelles, l’un en somme, tout orthodoxe, l’autre tout catholique. En Allemagne, le catholicisme et la réforme sont trop égaux de fidèles pour que la nation puisse propager un seul de ces cultes. Et pour répandre à la fois l’un et l’autre, elle n’a, au lieu d’un foyer unique et puissant, que les rayons divisés de deux sectes, non seulement distinctes mais ennemies. Car, en Orient, protestans et catholiques se disputent les âmes. Tant que Guillaume II laissait se poursuivre cette lutte sans y prendre part, et se contentait de présider aux succès du travail allemand et de la politique allemande, il représentait la patrie, seulement la patrie, et il ouvrait à ceux de ces croyans ennemis qui étaient ses sujets le refuge d’une affection commune. Du jour où il leur offre un concours religieux, il entre dans leurs discordes et s’oblige à une contradiction.
Toutes les religions sont jalouses, et celui-là seul les aime à leur gré qui se déclare contre leurs rivales. Les protestans ne demanderont pas seulement à l’Empereur de distancer la propagande protestante des Américains et des Anglais, les catholiques, de disputer l’hégémonie à l’influence catholique de la France. Protestans et catholiques prétendront qu’il les aide les uns contre les autres. Comme tout concours apporté aux uns sera en effet une menace pour les autres, il aura à équilibrer sans