trouverait peut-être avantage. Dans son cerveau, l’entreprise religieuse s’est transformée en opération de politique et de commerce. Les protectorats lui ont apparu comme une marchandise immatérielle à fabriquer selon le goût du client et pour le profit du fournisseur.
Ce n’est pas avec une âme intéressée que les doctrines religieuses peuvent être servies. Ce n’est pas au profit d’une ambition humaine qu’elles veulent être défendues. Il faut, pour protéger efficacement un culte, croire à sa vérité, au moins à sa supériorité sur tous les autres, à sa vertu civilisatrice. Il faut, en mettant les ressources, l’influence et les armes de l’État, au service d’une foi, tenir pour récompense principale, et au besoin unique, le maintien et l’accroissement de cette foi. Une certaine aptitude au désintéressement est la première vertu d’un pouvoir qui aspire à un protectorat religieux. Il existe à condition qu’il ne cherche pas seulement une influence, mais qu’il satisfasse une conviction et que les races protégées le sentent. C’est cette communion qui donne à la Russie son crédit sur les peuples orthodoxes : même s’ils se défient de ses ambitions ils lui sont reconnaissans de la foi qu’elle met au service de leurs croyances. C’est cette communion qui, aux jours où nos gouvernemens ne mettaient pas leur honneur à mépriser nos traditions, faisait jusqu’au bout du monde le prestige de la France sur les catholiques : elle était partout leur amie la plus généreuse, la plus active, la plus vaillante ; et c’est pourquoi elle possédait le plus accepté, le plus populaire, le plus étendu des protectorats.
Voilà ce que les divers cultes ont clairement démêlé. S’offrir à plusieurs n’est se donner à personne. Les comprendre tous est n’en aimer aucun. Si un pouvoir placé dans cet équilibre indifférent s’intéresse à des croyances, ce n’est pas pour elles qu’il les sert, c’est pour lui. Le jour où son avantage se trouverait contraire au leur, il les sacrifiera donc au lieu de les servir.
Or, cet antagonisme entre leurs intérêts et l’intérêt de l’Empereur existe dès maintenant.
Protéger en pays musulman les religions des races soumises, c’est d’une part limiter l’autorité du souverain territorial, d’autre part obliger la race victorieuse à des ménagemens pour des cultes qu’elle méprise et redoute à la fois. C’est donc entreprendre tout ensemble sur l’indépendance et sur la fierté de l’Islam. Par suite, l’usage même du protectorat diminue les sympathies et la