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que chez les Juifs et chez les Musulmans. Le seul arc de triomphe, qui, sur tout le chemin de l’Empereur, ait été spontanément élevé par des mains autres que des mains allemandes, a été dressé à Jérusalem par des Israélites. Les seuls spectateurs qui aient acclamé l’Empereur, hors les colonies allemandes, sont à Jérusalem les Juifs. La seule foule qui soit venue par sa masse rendre hommage à l’Empereur est, à Damas, la population musulmane. Mais ce ne sont pas là de vraies victoires. Les Juifs ont tout à gagner à être soutenus par Guillaume, mais a-t-il songé que partout où sa protection les fortifierait, ce serait au détriment du commerce allemand ? Les Musulmans obéissaient à leurs prêtres, qui eux-mêmes exécutaient les ordres d’Hamid, et Hamid, ses prêtres et cette foule ont pour foi commune l’aversion du christianisme. Au moment où Guillaume honorait leur culte, ils se souvenaient que sa première parole sur le sol d’Asie, à Caiffa, avait été une promesse de protection religieuse à tous ses sujets ; au moment où il déposait une couronne sur la tombe de Saladin, ils se souvenaient que les deux principaux actes du pèlerin en Palestine avaient été d’ouvrir un temple aux protestans et de donner un sanctuaire aux catholiques. Après ces gages de foi chrétienne, l’altitude inattendue d’un Empereur devenu courtisan de l’Islam leur a paru une preuve de leur force, non de sa sincérité, elle a augmenté leur orgueil sans accroître leur reconnaissance.


Il ne faut pas voir dans ces mécomptes les épreuves que les entreprises, même destinées au succès, rencontrent à leur début. Ils sont la conséquence naturelle et durable d’un projet chimérique. Deux obstacles s’élèvent contre les ambitions religieuses de l’Allemagne ; le premier est dans la nature du prince, le second est dans la nature de la nation.


Guillaume II a eu l’ambition d’un rôle sans en avoir la conscience. Son erreur a été cette hâte qui, trop avide pour choisir, courait à la fois à trop de cultes et de cultes ennemis. Malgré un certain idéal que l’Empereur jette sur ses instincts positifs, comme il jetait hier sur l’acier de sa cuirasse un voile de Damas, il n’a pas été poussé, par le zèle d’une foi ardente, à la défense d’une religion. Il a considéré que des religions diverses avaient besoin d’appui et qu’à soutenir les unes ou les autres, l’Allemagne