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plus intéressés à fortifier leur propagande par un puissant patronage, ont été les plus froids aux avances de l’Empereur. Elles se heurtaient à la fois aux susceptibilités nationales et au particularisme confessionnel de ceux qu’il eût voulu s’attacher. C’est le caractère, la séduction originelle et la faiblesse finale du protestantisme qu’il exalte l’indépendance de la volonté jusqu’à la ruine définitive de toute disciplinent l’autonomie de l’individu jusqu’à l’anéantissement de toute autorité collective. Le sentiment national lui-même n’est nulle part assez attractif pour combattre cette force centrifuge, et dans chaque nation, les sectes naissent les unes des autres pour se séparer et se combattre. Les missionnaires américains ont planté dans le Levant leurs demeures et leurs doctrines avec le même goût de l’isolement et de la diversité que les pionniers établissent dans le Far-West leurs fermes et leurs cultures ; et pour les uns comme pour les autres, le voisinage est la jalousie. L’Angleterre combat par ses œuvres presbytériennes son Église établie, qui se divise contre elle-même en haute et en large Église ; chacune de ces sectes se tient pour seule en possession du vrai, et chacune, par peur de mêler sa pureté à la corruption des autres, s’enfonce en son désert. Les Allemands, les moins nombreux, ne sont pas pour cela les plus unis. La Réforme a surtout, pour apôtres germaniques, les colons laborieux et honnêtes qui ont fondé Caiffa. Or ces colons avaient quitté le Wurtemberg pour pratiquera leur gré, sous le nom de Templiers, des doctrines contraires à la foi luthérienne. Parmi ces novateurs à leur tour une scission s’est faite, le voile du Temple s’est partagé en deux ; et ces divergences séparent si profondément ces hommes de même race qu’ils tiennent à commencer la lutte dès l’enfance, et que, dans leurs colonies minuscules, chaque parti entretient une école. Ces dispositions ne permettaient pas même à l’Empereur de grouper ses sujets en un faisceau. À plus forte raison les Américains et les Anglais, en face desquels les Allemands ont si peu d’œuvres religieuses, n’étaient-ils disposés ni à incliner leur orgueil, ni à pacifier leurs rivalités sous l’hégémonie de l’Empire germanique. Les pasteurs ou ministres des deux pays qui représentent et propagent la Réforme en Orient se sont abstenus de se rendre au Temple du Sauveur, le jour où l’Empereur s’y faisait Grand Pontife. Une coïncidence particulière a donné à l’absence des Anglais le caractère d’un refus. On sait que l’Angleterre et la Prusse avaient, durant quelques années, propagé ensemble la foi