entendre les choses sans les crier, et les Juifs à Jérusalem se disent, et plus que jamais depuis le départ, sûrs de la protection impériale.
Enfin, de Jérusalem l’Empereur a poussé jusqu’à Damas, la ville après La Mecque la plus musulmane de l’Asie. Il y a prononcé la dernière parole de son voyage, et la plus grave qu’un prince chrétien eût jamais adressée à l’Islam. La courtoisie a ses exigences, mais aussi ses limites. Les souverains désireux de se ménager amitié avec le Turc avaient souvent flatté sa puissance politique, jamais sa foi religieuse. À Damas, Guillaume Une s’est pas contenté d’affirmer son alliance avec le Sultan, d’adresser un salut aux sept cent mille soldats, qui deviennent les auxiliaires de la fortune allemande en cas de guerre, aux trente millions de Turcs, qui deviennent les tributaires du commerce allemand durant la paix. L’hommage et les vœux de l’Empereur ont été solennellement offerts « aux trois cent millions de Musulmans qui peuplent le monde ». C’était associer la durée de l’Empire turc et la durée du mahométisme, envoyer le même salut à toutes deux ; c’était faire un tout de multitudes que les continens, les nationalités, les questions politiques séparent et entre lesquelles il est un seul lien, la foi religieuse ; c’était adresser un encouragement à ce panislamisme qui, le jour où il deviendrait une réalité, mettrait dans un extrême péril tous les peuples chrétiens et la civilisation chrétienne. L’Empereur même, entraîné par l’élan de cette étrange bienveillance, attribuait d’un coup à l’Islam cinquante millions de fidèles par-delà les deux cent cinquante millions que l’on s’accorde à leur reconnaître. C’est d’ailleurs le don le plus considérable qu’il ait fait durant ce voyage.
La puissance d’imagination qui est en Guillaume II se révèle ici avec son intensité de désirs, son extraordinaire faculté d’agrandissement, et son manque démesure. Possédé par cette idée que les croyances des peuples sont pour eux un intérêt passionné et que les services rendus à leurs croyances gagnent sûrement leurs cœurs, il s’est offert à toutes. On eût dit que le congrès des religions, depuis quelque temps en quête d’un asile, avait trouvé son refuge dans l’âme impériale, et que chacune d’elles séduisait à son tour le zèle de ce théologien errant.
Ici le succès n’a pas répondu à l’effort.
Les protestans, bien que les plus proches par la foi et les