Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur assistance, comme fidèles, à cette pompe où il venait présider comme grand pontife, mettrait chacun à sa place ; et qu’ainsi apparaîtrait aux yeux de tous la primauté confiée à l’Empereur par le vœu des protestans.

Mais le protestantisme est le plus faible des souffles chrétiens qui vivifient le Levant. La véritable influence se partage entre les orthodoxes et les catholiques. Si aucun titre ne donnait à Guillaume prise sur le mouvement orthodoxe, les catholiques forment en Allemagne une minorité importante : de là prétexte pour prétendre à une hégémonie catholique. La place, il est vrai, était prise par la France ; mais l’Empereur calculait que les principaux des États jusque-là résignés à subir notre primauté, l’Italie et l’Autriche, alliées de l’Allemagne, se détacheraient à son exemple de cette subordination, et, trop faibles dans leur isolement pour soutenir avec efficacité leurs nationaux, laisseraient, bon gré mal gré, absorber cette indépendance impuissante par la force de l’Allemagne. Il calculait surtout qu’il avait pour complice de la dépossession méditée contre la France, la France elle-même ; que le dédain sceptique ou l’irréligion violente des gouvernemens y combattaient depuis vingt ans l’effort des vertus anciennes ; que l’amoindrissement de, notre prestige extérieur et une diminution de notre vitalité étaient faits aussi pour détacher de nous les races orientales, adoratrices de la force. C’est cette force grandissante de l’Allemagne, c : esl son amitié avec le Sultan qu’il a tenu à promener avec lui, non seulement à Constantinople et à Jérusalem, mais aussi dans les provinces où la France avait ses protégés les plus fidèles et les plus nombreux.

En même temps, il songeait à s’attacher la clientèle des Juifs. La solidarité de leur race semblait promettre que les services rendus en Orient aux Israélites ne seraient oubliés nulle part par ces maîtres des finances privées et publiques. L’Empereur rêvait de tirer à Jérusalem sur leur gratitude une lettre de crédit qui fût payable dans leurs grandes caisses de l’Europe. Avant l’arrivée du souverain, le bruit de ses bonnes dispositions était parvenu aux Juifs de Turquie : et comme gage, le programme de l’Empereur annonçait une visite à leurs colonies. Sur place il a compris que cette visite aux Juifs entre ses dévotions de Gethsémanie et du Calvaire ferait scandale. Il s’est donc abstenu de tous égards extérieurs envers eux. Mais il est un moyen de faire