disent les journaux français, et des distinctions flatteuses et rares, la grand’croix de l’aigle rouge, le portrait du souverain avec un autographe, une visite de l’Empereur lui-même au patriarcat préviennent ce dignitaire : comment celui-ci échapperait-il à l’obligation de répondre par des démarches de courtoisie à des procédés qui honorent l’Église en sa personne ?
Or, grâce à l’artifice qui obligeait Rome à se prononcer par une seule réponse sur un acte double et indivisible, le Saint-Père, en approuvant le don fait par Guillaume au catholicisme, a semblé remercier l’Empereur d’avoir fait ce don aux catholiques d’Allemagne. Grâce aux rencontres fréquentes et publiques de l’Empereur et du Patriarche à Jérusalem, les prétentions de Guillaume au protectorat sur les établissemens catholiques de l’Allemagne se sont trouvées comme consacrées par le représentant du catholicisme en Terre-Sainte. Et ces apparences d’accord entre l’Église et le monarque protestant n’ont pas permis à la France de revendiquer les droits que l’Église venait de lui reconnaître. Ainsi, sans offense directe, la volonté du Pape a été étouffée sous des respects, et le protectorat de la France contredit par prétention dans un des Lieux Saints. Tout cela est d’une politique attentive, renseignée, habile à tourner les obstacles, bref un petit chef-d’œuvre de rouerie.
Elle a réussi, et d’un succès qui va faire loi pour l’avenir, au moins pour l’avenir immédiat. Non seulement l’emplacement donné par l’Empereur aux catholiques d’Allemagne échappe à notre tutelle, et l’établissement qu’ils y fonderont s’élèvera sous les couleurs allemandes ; mais, la même protection, exclusive de la nôtre, va s’étendre sur toutes les œuvres fondées par les catholiques d’Allemagne. Ceux-ci, pour l’instant en plein accord avec l’Empereur, ont oublié le Kulturkampf d’hier, et ne pensent pas qu’il peut, sous un prince et dans un pays protestans, renaître demain. Il n’y aurait pour nous ni clairvoyance à nier le fait, ni dignité à importuner de notre aide ceux qui la repoussent, ni sagesse à nous émouvoir de l’accident. L’Allemagne a conquis en fait le protectorat de ses nationaux en Terre-Sainte. Libre à elle de distribuer des passeports et d’épargner des avanies à une vingtaine de religieuses et à trois ou quatre missionnaires : c’est là tout l’effectif de ses milices catholiques dans le Levant. Ce protectorat existe juste assez pour qu’elle ait quelque chose à nous prendre, et, en nous le prenant, elle s’isole plus qu’elle ne nous diminue.